Dix ans après la crise postélectorale, la Côte d’Ivoire reste un pays non réconcilié. Plus grave, les Ivoiriens n’ont jamais été aussi divisés.
Au lieu d’être une fête, la campagne pour l’élection présidentielle officiellement ouverte le 15 octobre, a vite pris les allures d’une veillée d’armes. D’un côté, le candidat du RHDP, le chef de l’Etat sortant et ses partisans qui se gargarisent et avancent les yeux fermés vers un vote contre vents et marées. De l’autre, le bloc de l’opposition qui appelle ses partisans à empêcher par tous les moyens légaux les opérations de vote. Sur le terrain, cela donne naturellement une ambiance contrastée. Pendant que les équipes du Rhdp s’évertuent à donner un sens à leur campagne, le mot d’ordre de boycott actif de l’opposition se traduit par des destructions de lieux de distribution de cartes d’électeurs, des barricades sur plusieurs voies interurbaines, des marches anti 3e mandat dans différentes localités.
Ce tableau regrettable résulte du refus d’Alassane Ouattara d’œuvrer pour une Côte d’Ivoire réconciliée et définitivement pacifiée. La tension pré-électorale actuelle est, en effet, le résultat de l’entêtement du Président sortant à conserver le pouvoir par tous les moyens. Au mépris de la Constitution qui ne lui permet pas de briguer un 3e mandat consécutif, et au mépris de son engagement solennel pris devant tous à Yamoussoukro le 5 mars 2020 de ne pas briguer ce mandat illégal, il a finalement décidé de se porter candidat. Et, pour se donner toutes les chances de gagner cette élection, la justice a été instrumentalisée pour éliminer des candidats gênants comme Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, …
Aussi est-il resté sourd à tous les appels pour la mise en place d’une commission électorale consensuelle et un fichier électoral crédible. Depuis lors, le Président Ouattara a choisi d’aller presque seul à ce scrutin. L’opposition et ses revendications, il s’en fout. Une bonne partie des Ivoiriens n’est pas favorable à ce processus électoral, il ne s’en préoccupe pas. Il y a des violences à divers endroits du pays, ce n’est pas son problème. Le plus important, semble-t-il se dire, c’est qu’un vote ait lieu le 31 octobre, et qu’il soit déclaré vainqueur, advienne que pourra.
Ce forcing nocif pour la Côte d’Ivoire est une preuve supplémentaire de ce qu’Alassane Ouattara n’est pas un homme de paix. Il n’est pas le pacificateur rêvé de ce pays qui a connu tant d’années de crises successives. Il est loin, très loin d’être ce ‘’Mandela ivoirien’’ dont le souci majeur au terme de deux mandats présidentiels acquis d’une longue lutte dont nous savons les péripéties, aurait dû être la réconciliation définitive des fils et des filles de cette nation. Hélas, il n’a pas eu la capacité de s’élever et de réussir, comme le vrai Mandela, de grands sacrifices pour la cohésion au sein de sa nation.
L’un de ces sacrifices aurait été ses efforts pour le retour au pays de Laurent Gbagbo, de Charles Blé Goudé tous deux acquittés en première instance par la CPI, mais aussi de Guillaume Soro et de tous les autres exilés politiques.
Un autre sacrifice devait être la prise en compte de toutes les attentes afin de créer un cadre consensuel pour la tenue de la première élection démocratique et apaisée. Le pays aurait alors connu un nouveau départ grâce à lui. Hélas, tout cela parait trop idéaliste pour Ouattara et ses soutiens. Cette nouvelle Côte d’Ivoire unie n’est pas leur priorité. Pour eux, le plus important, c’est la conservation du pouvoir et leurs privilèges. Même si cela doit enflammer le pays. Quel gâchis !
Cissé Sindou