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Présidentielle 2025 en Côte d’Ivoire : comment la désinformation a servi d’arme politique après le scrutin
Aujourd'hui, 08:06

La CEI face à la tempête numérique : ses communications sur les résultats provisoires ont été la cible d’une vaste campagne de désinformation après la présidentielle de 2025

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Un récit de « hold-up électoral » a envahi les réseaux sociaux dans les jours suivant l’élection présidentielle du 25 octobre, alimenté par des erreurs de communication de la CEI et amplifié par des acteurs politiques et médiatiques, selon un rapport du projet Election Integrity Task Force (EITF).

Les résultats provisoires de la présidentielle du 25 octobre ont été diffusés en direct par la Commission électorale indépendante (CEI) sur plusieurs chaînes de télévision, puis relayés sur sa page Facebook officielle. Mais dès le lendemain, un flot de messages sur les réseaux sociaux a remis en cause la crédibilité du scrutin, évoquant un « braquage électoral » orchestré par le président sortant Alassane Ouattara, candidat à un quatrième mandat.

Selon le Bulletin FIMI #6 du projet EITF, couvrant la période du 26 au 29 octobre 2025, plusieurs erreurs de communication dans les chiffres publiés par la CEI ont été déformées et présentées comme des preuves irréfutables de fraude.
Certaines publications affirmaient, par exemple, que des localités avaient enregistré plus de voix que d’électeurs. Ces données, sorties de leur contexte ou manipulées, ont rapidement circulé sous des hashtags viraux tels que #HoldUpElectoral ou #ADO16milleVoix.

Des cyberactivistes liés aux régimes militaires du Sahel, soutenus par des membres de la diaspora ivoirienne, ont joué un rôle clé dans la diffusion coordonnée de ces contenus, selon le rapport. Leur stratégie : transformer des erreurs techniques en “preuves politiques” et relayer ces récits sur plusieurs plateformes — Facebook, TikTok, YouTube, X et divers sites web.

Au total, plus de 16 000 publications, commentaires et partages ont été recensés, pour une portée estimée à plus de sept millions d’engagements directs.

Le bulletin souligne également l’impact des commentaires de certains médias français dans la propagation du récit de « simulacre d’élection ». Des extraits d’émissions de télévision ou de chroniques radiophoniques évoquant un “faible taux de participation” ou une “victoire attendue du président sortant” ont été découpés, remontés et diffusés massivement sur les réseaux sociaux. Ces séquences, sorties de leur contexte, ont été utilisées pour accréditer l’idée que « la presse internationale confirmait le braquage électoral de Ouattara ». Cette cooptation d’autorité, une technique bien connue des analystes de la désinformation, vise à donner un vernis de légitimité à des récits fabriqués.

Le rapport de l’EITF rappelle que les tensions politiques post-électorales demeurent fortes. Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) continuent de contester la légitimité du scrutin, qu’ils qualifient de « coup d’État civil ». Ce climat de méfiance a favorisé la diffusion de messages remettant en cause la légitimité du chef de l’État, dans un contexte où le souvenir de la crise électorale de 2020 reste encore présent dans les mémoires.

Pour les experts de l’intégrité électorale, ces épisodes démontrent que la désinformation électorale est désormais un outil politique à part entière. Elle exploite les failles de communication, les émotions et la polarisation pour saper la confiance du public dans les institutions. Le rapport du projet EITF plaide pour un renforcement de la communication institutionnelle de la CEI, une collaboration accrue avec les médias de vérification des faits, et un suivi plus rigoureux des campagnes d’influence numérique transnationales.

« Les manipulations d’information ne s’arrêtent pas avec le vote. Elles prolongent la bataille politique sur le terrain numérique », souligne un expert cité dans le document. La présidentielle de 2025 n’a pas seulement été un test pour la démocratie ivoirienne dans les urnes. Elle l’a été aussi sur les écrans et les réseaux sociaux. En Côte d’Ivoire, comme ailleurs sur le continent, la lutte pour le pouvoir se joue désormais aussi sur le terrain invisible de l’information.

GZ

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