À travers une réflexion critique sur la scène musicale ivoirienne, l’écrivain Boris Takoué interpelle les artistes urbains sur leur responsabilité morale et sociale. Il invite à produire des œuvres porteuses de sens et de valeurs
.*Côte d’Ivoire: Temps musical obombré*
(Ceci est un cours de "Lettretrack")
● *La musique n'est pas le métier des gens qui se sentaient inutile à l'école...*
Ô! Comme j'aime apprécier le savoir-faire de mes cadets d'artistes-chanteurs à savoir : Didi B, Suspect 95 et Himra!
Imaginatifs. Créatifs. Ingénieux. Et surtout, prolifiques. Des atouts majeurs qui ont obligé le public à leur vouer et avouer de l'estime - à les suivre, somme toute, depuis un bon moment maintenant.
Bon an mal an, ceux-ci sont devenus ainsi indiscutablement des fiertés qui exportent agréablement et admirablement musicalement la Côte d’Ivoire. Ce n'est pas rien. Dans cette perspective donc de les voir pérenniser cet allant, ces temps-ci, quelques signes pas loin du désespoir, se signalent à domicile.
C'est que, avouons-le tout de suite: ils ont bifurqué avec les prémices artistiques qui les ont aidés à gagner le cœur des fans. Que nous donnent-ils à constater d'eux ? C'est que musicalement, ils s'attellent vertement et ouvertement à se lapider d'injures, se barbouiller, se rabaisser, ô que la liste des verbes d'action est longue!
J'ai écouté "Nabo Cleman" et "Yorobo Drill acte 4" de Himra, j'ai aussi écouté "Bodouin" de Didi B, et "Mojagbêlê" de Suspect 95. Des navets du point de vue du texte. Des paroles qui présentent des signes de l'immaturité; qui affichent un "état du moi enfant" ô trop activé de la part de leur auteur respectif. Et pourtant, ces belles mélodies pouvaient servir à autre projet musical. La preuve que malheureusement l'esprit lucide qui les habitait et qu'on les savait tels, a pris congé d'eux. Hélas ! De quoi à s'inquiéter et à s'interroger !
Vont-ils alors continuer de nous servir ces "cacas musicaux" pour la suite de leur carrière respectif? Qu'est-ce qui les obligeait et les dépêchait à s'adonner à cette mastubation musicale? S'ils ne changent, pensent-ils aux regards que des personnes d'ici et d'ailleurs auront désormais sur eux-mêmes, et surtout sur la Côte d’Ivoire musicale, notamment le Rap?
● Un organe d'autorégulation de la musique s'impose-t-il?
Rien n'est impossible lorsqu'il s'agit de mener des actions bonnes. Cela demande juste une sérieuse organisation.
En littérature, le texte d'un auteur soumis à une maison d'édition en vue de le publier, passe par plusieurs services.
Pourquoi? Pour tout simplement faire dudit texte, une œuvre utile dans les mains du public. Car cela y va aussi de la crédibilité de la maison d'édition qui associe son image au projet. Ainsi, tout auteur averti et qui entend gagner le respect de ses pairs et le soutient du public, se doit d'être rigoureux envers lui-même en produisant un texte avant de le soumettre. Ils le savent, depuis. C'est une règle qui ne fait pas tellement de débat, dans le domaine de la littérature.
Certes, le domaine artistique est libéral. Mais doit-on pour autant faire avaler au public tout et n'importe quoi? Car, l'interrogation qui doit nous habiter, c'est qu'est-ce qu'on laisse comme message et héritage à la génération actuelle et future ?
Franchement, lorsqu'on écoute ces récentes "imperfections" de nos rappeurs (et qui certainement arrivent encore), on se demande si la naissance d'un organe d'autorégulation de la musique dont le rôle serait de toiletter les textes des artistes-chanteurs avant leur enregistrement et consommation s'impose.
Certes, cela n'existe pas ailleurs. Mais n'empêche qu'on s'interroge tout de même afin d'amener les acteurs à produire davantage d'œuvres d'impact social.
● La mission des artistes dans une société...
Qu'il me soit permis, très respectueusement, de leur rappeler ici, que singulièrement, ils ont décidé de faire de la musique leur art-métier. Dans cette veine, il faut aussi qu'ils me permettent de leur rappeler, que la musique n'est pas le métier des gens qui se sentaient inutile à l'école ou qui avaient un problème avec le port du sac à dos. Mais qu'on se le tienne pour le dire: l'école n'a jamais tort. Car elle est partout. Si on pense la fuir (je ne dis pas que c'est leur cas), elle, nous attend patiemment et tout doucement au studio, à la télé, à la radio, à l'église, à la mairie, au maquis, à la plage, à l'aéroport, à l'hôtel, la liste n'est pas exhaustive. C'est que l'école nous attend à tous les carrefours de la Vie. Où je veux en venir en glissant ici cette pensée? C'est que la musique est un métier. Et la culture fait l'artiste. Celui-ci devra justement s'en servir pour la partager à travers son art-métier.
Des talents patents qui font carrière n'ont pas à se verser dans la comparaison et la destruction interminable. Non. Il y a bien meilleur à faire que cela. « L’homme est une passion inutile. », affirme Jean-Paul Sartre.
Eux au moins, ils ont réussi à s'inventer un chemin, ont un lucre enviable. Et surtout, ils ont un public acquis à leur cause. Ce que d'aucuns sont certainement loin d'en avoir. Ils devraient en prendre pleine conscience de cela, pour travailler davantage à semer les bonnes mœurs à leur public à travers leur désormais art-métier.
Faut-il le rappeler ? La mission divine assignée à chaque créateur est de partager son savoir et savoir-faire au public qui, attend de lui, chaque fois, une valeur ajoutée; ce qui va l'aider à se rectifier, se soigner, à grandir, à raisonner, etc. C'est qu'à travers son statut social, le rôle de l'artiste doit guérir les plaies, rendre heureuse des âmes peinées, somme toute, empêcher une société de s'embourber, de patauger.
La Côte d'Ivoire politique en particulier et l'Afrique en général, traverse un moment lugubre. C'est là, qu'on devrait voir des artistes s'exprimer pour pleinement jouer le rôle qui est le leur: contribuer à la bonne marche. Tant de faits sociaux brûlants restent en friches, et attendent des "inspirés" y avoir un œil rond.
Si dans un passé lointain ou récent, des divergences sont nées entre eux, ils pouvaient, surtout pour le respect de leur femme, et aussi des personnes importantes qui les soutiennent, éviter d'étaler ces raisons dans la musique. Je convoque encore ici, Jean-Paul Sartre qui soutenait ceci: « Ce qui compte, ce n’est pas ce qu’on a fait de moi, mais ce que je fais de ce qu’on a fait de moi. ».
● L'apport des fans
Une personne qui gagne l'estime d'un public n'est pas rien. Cela signifie que celle-ci a de la valeur. Cependant, un public doit savoir qu'il a une responsabilité surtout dans la vie professionnelle de cette personne qu'il a décidée de suivre. Je l'ai dit plus haut, le domaine artistique est libéral. Mais la décence aurait voulu qu'il (le public) ne la laisse pas faire n'im...por...te quoi. Donc de l'interpeller si elle déroute et de la féliciter si elle fait œuvre utile. Sinon, si on la laisse aller dans le mur, on sera un peu responsable des conséquences de son comportement abject.
Venance Konan a dit que: « Si le Noir n'est pas capable de se tenir debout, laissez-le tomber. Tout ce que je vous demande, c'est de ne pas l'empêcher de se tenir debout».
Soit.
Mais nous, avons déjà perdu un immense talent qu'on pleure encore : Dj Arafat. Nous n'en voulons plus perdre hâtivement nos talents. Je nous invite donc à ne pas les empêcher de se prendre au sérieux. Non.
*Boris Anselme Takoué*
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