Ils contestent vigoureusement la biffure de leurs noms et prénoms sur la liste électorale, l’un pour « le braquage de la BCEAO », l’autre pour « double nationalité ». Selon leurs équipes, au moment de la prise de ces décisions dans le temple de Thémis, la politique est entrée par la porte avec fracas et le droit est sorti en flèche par la fenêtre. Comprendre que les décisions juridiques prises à leur encontre sont fortement inspirées par le politique.
Laurent Gbagbo et Cheick Tidjane Thiam, forts du soutien de leurs partisans et s’adossant certainement aux pressions exercées ici et là, sur le pouvoir d’Abidjan, pour leur réinscription sur la liste électorale, ont déposé leur dossier de candidature à la Commission électorale indépendante (CEI). Depuis le 26 août dernier, date de clôture de dépôt de candidature pour l’élection présidentielle du 25 octobre prochain, les deux exclus attendent, comme les 58 autres candidats, la publication par le Conseil constitutionnel, de la liste définitive.
Iront-ils ou non à cette cruciale élection pour le pays ? S’il y a des raisons de répondre par l’affirmative pour le patron du PDCI, il y a plutôt des doutes sur le cas Gbagbo. On sait qu’à seulement trois jours de la fin de la réception des candidatures, Thiam a reçu, curieusement, son certificat de nationalité. Une pièce essentielle dans la paperasse demandée aux candidats. On sait par ailleurs, que c’est la même juge qui, au départ, avait refusé de signer son certificat de nationalité qui a fini par apposer sa griffure au bas du document.
Pour ce qui est de Laurent Gbagbo, nos informations nous avaient emmené un temps vers une loi d’amnistie qui devait être prise par le parlement. Puis, les relations entre Ouattara et Gbagbo auraient été altérées quand le président du PPA-CI est sorti de son silence pour dénoncer l’injustice qu’il dit subir. D’après une source proche du dossier, depuis ce jour, le chef de l’Etat aurait retroussé ses manches pour attendre son « ami Laurent » dans l’arène et en découdre. Pour certains analystes, faire le choix de rétablir Thiam dans ses droits et oublier Gbagbo pourrait répondre au besoin de diviser pour mieux régenter le processus électoral et gagner.
Quoi qu’il en soit, tout est dans les mains du souverain. C’est lui qui a droit de vie ou de mort sur ses sujets. C’est vers lui que les habitants de la Côte d’Ivoire et le monde entier regardent. C’est selon qu'il regardera à gauche ou à droite que les décideurs ultimes feront pencher leurs décisions d’un côté ou de l’autre. Et, de l’avis de plusieurs spécialistes, de la direction que prendra son regard dépendra une élection véritablement apaisée ou accompagnée de bruits de bottes.
Le premier gagnant de la décision de paix attendue par tous sera sans aucun doute la patronne des décideurs ultimes. Il ne doit pas faire beau actuellement faire partie de ce conglomérat de porteurs de toges dont la décision peut enflammer le pays. Je les vois en train d’appeler la toute-puissance du Ciel afin qu’il touche le cœur du souverain pour que son regard se dirige vers celui de la multitude. Je les vois même un peu amaigris parce qu’ils ont cessé momentanément de s’alimenter pour une meilleure connexion avec la nature.
Cette souffrance morale et physique va durer encore jusqu’au 10 septembre 2025, délai de rigueur exigé par le code électoral pour publier la liste définitive des candidats à l’élection présidentielle. Les alinéas 3 et 4 de l’article 56 sont clairs à cet effet : « Le Conseil constitutionnel établit la liste des candidats après vérification de leur éligibilité. Il arrête la liste définitive des candidats quarante-cinq jours avant le premier tour du scrutin ». Tout calcul bien fait et à moins d’un cataclysme, cette liste tant espérée devrait être connue le mercredi 10 septembre au plus tard à minuit. Puisque cette date nous situe à 45 jours du premier tour du scrutin du 25 octobre.
Ayons le courage de le dire : la biffure des noms et prénoms de Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam et les autres et la contestation par ceux-ci de cette décision qu’ils jugent politique, crée une trop forte tension et une peur-panique dans le sein de la population. Au point où de nombreux opérateurs économiques ont presque tout mis en stand by, « le temps de voir clair dans cette affaire qui sent manifestement le roussi ». Même dans les foyers, les parents d’élèves marquent le pas sur le chemin des inscriptions de leurs enfants. Parce que l’horizon paraît très flou à leurs yeux.
Le juge constitutionnel qui n’en demeure pas moins un citoyen qui vit dans la population et qui sent ce roussi, va-t-il éclaircir l’horizon des parents d’élèves et du pays tout entier ? N’oublions pas la source de sa décision : le souverain. Alors, que le souverain parle et décide ! Pour son peuple.
Par Abdoulaye Villard Sanogo
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