Logements à Abidjan : les bailleurs et démarcheurs dictent leurs propres règles, les locataires subissent, l’État regarde
Logement : les autorités doivent agir contre les abus des bailleurs
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Alors qu’une loi plafonne depuis 2018 le montant des cautions et avances à verser pour la location des logements à usage d’habitation en Côte d’Ivoire, de nombreux bailleurs et agents immobiliers continuent d’imposer des conditions illégales, notamment à Abidjan.
En Côte d’Ivoire, le cadre juridique encadrant les baux d’habitation est pourtant clair. La loi N°2018-575 du 13 juin 2018, renforcée par l’annexe fiscale de la loi de finances 2019, stipule que les sommes exigibles à la signature d’un contrat de bail ne peuvent excéder deux mois de caution et deux mois d’avance sur loyer. Un plafond fixé pour protéger les locataires contre les pratiques abusives, longtemps observées dans le secteur de l’immobilier urbain.
Mais sur le terrain, notamment à Abidjan, cette législation est régulièrement contournée. Une enquête menée par Pressecotedivoire.ci dans plusieurs communes révèle que la majorité des bailleurs ne respectent pas la loi et imposent aux locataires des conditions nettement supérieures à ce que prévoit le texte.
À Yopougon, une jeune femme témoigne :
« Pour une maison à 100.000 FCFA, on m’a demandé 2 mois de caution, 2 mois d’avance, 1 mois d’agence et 50.000 FCFA de frais supplémentaires. Résultat : je dois payer 550.000 FCFA pour entrer. Et dans cette somme, il y a 150.000 FCFA qu'ils ont pris comme ça, gratuitement. Ce mois d’agence est récupéré par le propriétaire lui-même. Quand tu te plains, on te dit que ce sont les conditions, à prendre ou à laisser. »
Un démarcheur rencontré dans la même commune admet que la loi est ignorée. Selon lui, ce sont désormais les propriétaires qui exigent eux-mêmes le mois d’agence, les mettant eux, démarcheurs, dans une position difficile.
« Aujourd’hui, avec la gourmandise des propriétaires, on est obligés de rajouter un petit plus pour nous en sortir », explique-t-il. Pour une maison à 120.000 FCFA, il détaille :
« 3 mois de caution, 2 mois d’avance, 1 mois d’agence (pris par le propriétaire), plus 50.000 FCFA pour les démarcheurs. On prend la peine d’expliquer ça aux gens, mais ils n’ont souvent pas le choix. »
Selon les informations recueillies, la situation est la même à Songon. Un individu contacté par Pressecotedivoire.ci, à la suite d’une vidéo postée sur les réseaux sociaux au sujet d’un logement en location dans cette localité, détaille les conditions pour une villa de 4 pièces louée à 250.000 FCFA :
« 2 mois de caution + 2 mois d’avance + 1 mois d’agence + 100.000 FCFA pour les démarcheurs. » Lorsqu’on l’interroge sur la loi de plafonnement fixée par l’État, il répond sèchement :
« Il faut aller dire à l’État de construire maison. Tu vas payer 4 mois », avant de nous raccrocher au nez.
À Bingerville et à Cocody, même si une somme supplémentaire n’est pas toujours exigée pour les démarcheurs, les témoignages convergent en ce qui concerne le non-respect de la loi. Les locataires sont contraints de payer entre cinq et six mois de frais avant même de prendre possession du logement.
Face à cette situation, nombreux sont ceux qui appellent les autorités à réagir. Car au-delà de l’illégalité, ces pratiques renforcent la précarité des ménages et limitent l’accès au logement pour de nombreuses familles.
« Non seulement les loyers sont devenus chers, mais en plus on nous vole légalement avec des mois d’agence et des frais ajoutés sans justification. L’État ne dit rien », s’indigne un jeune habitant de Yopougon.
Un encadrement plus strict, des contrôles sur le terrain et des sanctions exemplaires à l’encontre des propriétaires et démarcheurs indélicats sont désormais attendus. En attendant, les populations restent livrées à elles-mêmes dans un marché locatif devenu incontrôlable.
Gael ZOZORO
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