Si vous voyez Gbagbo, Bédié et Ouattara dites-leur avec insistance…





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Il est vrai que l’autre jour, à Yamoussoukro, sur la partie surélevée de la salle où étaient assis les invités de première classe, l’on a aperçu le président Bédié, costume sombre, cravate bien nouée, souliers bien cirés, se lever et esquisser de jolis pas de danse pour accompagner le groupe zouglou conduit par l’artiste Assalfo. On aurait dit un jeunot qui venait d’atteindre à peine la majorité. Tellement ses mouvements de pieds et ses déhanchements rythmiques collaient parfaitement à l’orchestration musicale.

Angela Merkel, l’ex-Chancelière allemande, dont c’était la fête pour avoir tapé dans l’œil du jury du prix Félix Houphouët-Boigny-Unesco pour la recherche de la paix, assise à côté, devrait être fière de son prix à l’idée de voir un nonagénaire se remuer pour elle. Mais elle ne devrait pas être surprise. Avant cette scène qui a réveillé toute la salle, la dame de fer allemande avait déjà vu, bras dessus bras dessous, les trois leaders politiques ivoiriens qui, la plupart du temps, «ne sont d’accord que sur leurs désaccords».

La pauvre dame a dû revoir ses notes, vu qu’elle a dû avoir été informée de ce que ces trois-là sont à l’origine, depuis 1993, de la crise qui secoue le pays qui la recevait. Mais, comme une politique aguerrie, elle a dû se ressaisir rapidement pour se rendre à l’évidence que les trois ont dû ranger momentanément leurs flèches dans leurs carquois, le temps d’une fête dédiée à la paix. N’avaient-ils pas effectivement décidé de jouer le jeu de la paix, le pistolet caché dans la poche gauche ? C’est justement ici que prend son sens notre réflexion de cette semaine.

Il est un fait indéniable que Bédié, Gbagbo et Ouattara aiment le pays, leur pays. Il est aussi une preuve irréfutable qu’ils savent parfaitement qu’il faut absolument la paix pour que le pays connaisse un développement. Il est tout aussi indiscutable que l’intelligence dont ils sont dotés leur permet de savoir que ce développement ne peut advenir que si un certain nombre de difficultés sont réglées. C’est par exemple la gestion impartiale et correcte de la Commission électorale indépendante (CEI). Voilà plus de vingt ans que cette structure née pour ramener le calme dans le pays fait tout à rebrousse-poil.

Pourquoi, au nom de la paix dans le pays qu’ils aiment tant et pour lequel il se battent au-delà de leurs forces, ils ne feraient pas comme ils ont fait à Yamoussoukro mais cette fois pour de bon ? c’est-à-dire, en enterrant définitivement leurs flèches et pistolets ? S’ils ont pu se mettre au-dessus des positions partisanes pour se rendre à Yamoussoukro, sans couteau entre les dents, pour la célébration de la paix, pourquoi ne comprennent-ils pas que le pays a besoin non d’une journée de paix mais de la paix tout le temps ? Pourquoi cela leur paraît si difficile d’imposer une paix éternelle sur le pays ?

Bientôt le livre va se refermer. C’en sera fini des pages de l’histoire qu’ils écrivent. Seront-ils heureux et fiers de laisser à la postérité, une CEI à palabres, véritable bombe à fragmentation ? Ils devraient y penser sérieusement. Si vous les voyez encore à la Fondation Félix Houphouët-Boigny pour la paix, dites-leur avec insistance d’y penser. Le temps qui n’a pas leur temps s’en va.

Abdoulaye Villard Sanogo

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