Le sujet du retour en Côte d’Ivoire de l’ex-Président Laurent Gbagbo se trouve au cœur d’une passion entretenue. Une passion inutile.
Dans l’affaire du retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, le pouvoir Rhdp montre une obsession, celle de ne pas vouloir perdre la face. Ainsi multiplie-t-il les préalables et conditions à ce retour. Le parti au pouvoir exige notamment que l’ex-Président regagne son pays dans la discrétion. Manifestement, il ne souhaite pas qu’une liesse populaire à Abidjan, à l’accueil de l’ancien détenu de la Haye, soit un camouflet supplémentaire pour lui après son échec à le faire condamner par la CPI. Alors, depuis lors, Ouattara et ses hommes se cachent derrière des victimes qu’ils présentent comme le principal obstacle à tout retour en fanfare de Laurent Gbagbo. « Je crois que le plus important, c’est que le Président rentre comme tous les citoyens ivoiriens (sans bruit, ndlr). Il est libre de rentrer chez lui. Mais de grâce en tenant compte des victimes silencieuses. Que chacun puisse tenir compte de ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire », déclarerait jeudi dernier Adama Bictogo directeur exécutif du Rhdp au sortir d’une réunion de son parti.
Des mois plus tôt, c’est Alassane Ouattara lui-même qui confiait à nos confrères de France-24 : « Je veux que Laurent Gbagbo rentre dans des conditions normales. (…) Il y a des procès que l’attendent ici. Il a déjà fait 9 ans là-bas. C’est un ancien Président. Et les victimes ? On ne doit pas regarder cette question d’un seul côté. J’ai des victimes ici qui ont introduit un procès à son encontre. Moi, j’ai déjà défié la CPI en refusant d’envoyer Simone Gbagbo. Pour le cas de Laurent Gbagbo, il faut que tout cela soit discuté de manière convenable ».
En réalité, l’évocation des victimes est une manipulation politicienne. Depuis l’annonce du retour de Gbagbo, la poignée de personnes se présentant comme des victimes et qui ont participé à des manifestations hostiles ont tout l’air d’être poussées dans les rues par des mains occultes. L’heure est donc venue d’être le plus sincère possible sur le sujet. En effet, l’on demande une chose et ses contraires à l’ancien prévenu de la CPI. D’une part, il est attendu de lui qu’à son retour il puisse jouer un rôle dans la réconciliation. Au même moment, l’on lui demande de se retirer de toute activité politique une fois arrivé en Côte d’Ivoire. Appeler les Ivoiriens à la réconciliation ne sera-t-il pas une activité politique ?
En sus, en quoi est-ce qu’un accueil populaire peut-il constituer un problème quand il profite à un acteur clé de la réconciliation ? La vérité et la réalité sont les suivantes : les Ivoiriens ont en ce moment des préoccupations et des priorités autres que le type d’accueil qui sera réservé à Laurent Gbagbo. Toute la tension à laquelle l’on assiste autour de la question n’est qu’une fabrication politique.
Cissé Sindou