Veritas
La Côte d’Ivoire est en crise sociopolitique. Une question apparaît fondamentale dans le processus de recherche de solutions pour mettre fin à cette situation. La question est celle-ci : Quand cette crise sociopolitique a-t-elle démarré ? Ce sont les médecins qui l’affirment, un bon diagnostic d’une pathologie induit les médicaments adéquats. A l’inverse, si un mauvais diagnostic est fait, il est évident que les médicaments qui seront prescrits au malade n’auront aucun effet sur la maladie. C’est dans cette position déplorable que se trouve la Côte d’Ivoire, notre beau pays. Qui n’avait connu ni coup d’Etat ni rébellion armée pendant plusieurs décennies avant de les expérimenter. Aujourd’hui, il faut l’avouer, la Côte d’Ivoire n’est plus un havre de paix. C’est un pays tendu, crispé qui peut exploser à tout moment comme une grenade dégoupillée.
De nombreux Ivoiriens, selon le camp politique auquel ils appartiennent, dressent diversement le diagnostic de la crise sociopolitique dans laquelle le pays est empêtré depuis de nombreuses années. Les uns estiment que la crise a démarré avec la rébellion armée de 2002, les autres croient qu’elle a vu le jour suite au coup d’Etat militaire de 1999 ; d’autres encore pensent qu’elle a éclaté en 1994 via la bataille de succession à feu Houphouët-Boigny. Après un tel diagnostic, ils estiment en chœur que si trois des quatre principaux leaders qui régentent la vie politique depuis 1994 se donnent la main et fument le calumet de la paix, la Côte d’Ivoire sera réconciliée. En clair, en l’absence de Robert Guéi décédé, si Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara s’embrassent, le pays sera guéri.
Une telle scène n’est pas nouvelle et inédite. On l’a vue en 2001 à la faveur du Forum pour la réconciliation nationale organisée en ces temps-là. Des efforts avaient été déployés par les organisateurs pour aboutir à une sorte de catharsis à l’ivoirienne inspirée de l’exemple sud-africain de la plate-forme « Vérité et réconciliation ». Mais vlan ! Ce fut un échec. Le Forum n’a pas empêché la rébellion armée d’advenir. Il fut même un argument immédiat brandi par les rebelles pour justifier leur sédition.
A notre sens, pour comprendre la crise sociopolitique ivoirienne, il faut remonter à 1990 à travers l’instauration du multipartisme. Une nouvelle ère qui a été fortement combattue par certains hommes politiques. Ils ont d’ailleurs fait emprisonner d’autres acteurs politiques qui étaient favorables au multipartisme. La tension politique a inondé le corps social et divisé profondément la société. Les ethnies et même les religions n’ont pas été épargnées. Cette division s’est intensifiée après la mort d’Houphouët-Boigny et a donné en 30 ans, une Côte d’Ivoire exsangue. Le coup d’Etat de 1999, la rébellion armée de 2002, la crise post-électorale de 2010-2011 et la crise électorale de 2020 ne sont rien d’autre que les points chauds de cette longue crise sociopolitique. Quel remède après l’échec du Forum de la réconciliation nationale de 2001 et lommission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR) de 2012 ?
Le président du FPI, Pascal Affi N’Guessan, propose par exemple les Etats généraux de la République (EGR). Au-delà de tout, pour conduire la Côte d’Ivoire vers une vraie réconciliation, des assises populaires sincères s’imposent et non des tête-à-tête politiques. Des assises qui pourraient dessiner un nouveau contrat social entre les Ivoiriens pour aboutir à une Constitution consensuelle ainsi qu’à un nouveau «vivre ensemble». Des questions telles que la gouvernance démocratique, les droits de l’homme, la citoyenneté ivoirienne, l’immigration etc. seront débattues sans faux fuyants par les acteurs politiques et les représentants des forces vives de la nation.
Didier Depry