Après 5 ans passés en France pour des raisons de santé, la reine du Matiko, Chantal Taïba, est de retour en Côte d’Ivoire avec un neuvième album baptisé Sérédo. A travers ce retour sur la scène musical, Chantal Taïba entend se positionner comme un repère pour la nouvelle génération de chanteurs. Elle s’est confiée à la rédaction de pressecôtedivoire.ci.
Presse Côte d’Ivoire : Vous êtes de retour en Côte d’Ivoire après près de 5 ans passés en France. Quelles sont les nouvelles ?
Chantal Taïba : Les nouvelles sont bonnes. Je suis venue avec un nouvel album qui s’appelle ‘’Sérédo’’, qui veut dire 9 en langue Kroumen. C’est mon neuvième album et il comprend 9 titres. Je l’ai fait avec 4 arrangeurs différents qui sont David Tayorault, Manu Lima, Serges Beynaud et Freddy Assogba. C’est un album très varié où je m’essaie à la Rumba avec un titre arrangé par Manu et qui s’intitule ‘’ Nemolé’’. Je me suis essayé aussi au Zouglou. Il y a le Matiko pur et dur qui comme on avait l’habitude de l’écouter avec David Tayorault et Serge Beynaud m’a également ‘’décalé’’ le Matiko.
Presse Côted’Ivoire : Doit-on penser que neuf est un chiffre porte-chance pour vous ?
CT : Non, un chiffre important. Je dirai celui de l’accomplissement. Pour qu’un enfant naisse, il faut qu’il fasse neuf mois dans le ventre de sa maman ou encore pour qu’un diplôme soit validé, il faut qu’on aille à l’école pendant neuf mois. Donc c’est le chiffre de l’accomplissement.
Presse Côte d’Ivoire : On sait que Chantal Taïba c’est des textes et des proverbes forts. Quel sont les messages qui sont véhiculés dans cet album ?
CT : Merci de dire que je suis une chanteuse à texte. Les maximes et les proverbes, il y en a à profusion sur cet album. Comme j’ai l’habitude de le dire, je ne suis pas une chanteuse engagée mais une chanteuse concernée par tout ce que vit le public, par tout ce que vivent les personnes qui m’écoutent, qui dansent au son de ma musique. J’essaie vraiment de trouver les mots pour soulager les maux, donc je prends mon temps pour écrire mes textes, pour peaufiner mes paroles pour qu’elles fassent du bien aux personnes qui écoutent.
Presse Côte d’Ivoire : En quoi est ce que cet album se différencie de vos 8 autres ?
CT : Les textes sont aussi forts qu’avant mais c’est sur cet album qu’il y a eu quatre arrangeurs. Je ne l’avais pas encore fait sur un seul album. Travailler sur quatre styles différents, c’est la première fois que je fais cela pour seulement 9 titres. Je voulais seulement revenir de façon positive après près de 14 ans, parce que le dernier album, ‘’ femme d’honneur’’, est sorti en 2004 et il fallait vraiment le faire avec la manière et y mettre les moyens aussi pour avoir un retour gagnant.
Presse Côte d’Ivoire : Vous avez fait appel à 4 arrangeurs dont le plus jeune est Serge Beynaud. Parmi cette panoplie de jeunes arrangeurs talentueux, pourquoi avoir fait le choix Serge Beynaud.
CT : Serge Beynaud parce qu’il m’a fait un clin d’œil sur son tout premier single, en reprenant une partie de ‘’Ayo ayo’’. Cela l’a fait vraiment connaitre et il a explosé avec ce titre. C’était pour moi une façon de lui ramener l’ascenseur en lui proposant de faire un featuring. Mais en dehors du featuring, il a arrangé entièrement la chanson. Et c’est une façon à moi aussi de m’ouvrir car je ne veux pas être fermer pour être désigner comme une chanteuse 2. Je suis une chanteuse de variété donc je souhaite vraiment chanter sur tous les styles de musique en ne m'enfermant pas dans un style particulier.
Presse Côte d’Ivoire : Aujourd’hui, la scène musicale en Côte d’Ivoire est dominée par une nouvelle génération de chanteur. Ne craigniez-vous pas la concurrence des jeunes musiciens ?
Non pas du tout. Comme je le disais tout à l’heure, dans le premier single de Serge Beynaud, il a quand même puisé dans ce qui est passé en me faisant un clin d’œil. ‘’Ayo Ayo’’ date de plus de 35 ans. Nous avons quand même tracé les sillons pour que les jeunes viennent marcher là-dedans. Il n’y a pas de raison de se faire un complexe ou de craindre quoi que ce soit. On a toujours besoin de repère dans une société. Nous les doyens, pouvons être le repère de ses jeunes là, par ce que nous avons fait avant et par ce que faisons à présent. Nous n’avons pas à abandonner la scène et se faire de complexe.
Presse Côted’Ivoire : Alors pour vous, il y a donc nécessité d’être aux cotés de la nouvelle génération
Exactement, il faut être à leur côté, il faut les encadrer. C’est pour cela que j’ai fait un clin d’œil au Zouglou et au Coupé décalé, pour dire que c’est bien de reprocher à ces jeunes de faire de la musique facile alors que c’est cette musique là qui fait parler de la Côte d’Ivoire à l’extérieur. C’est plus facile de dire qu’ils ne savent pas chanter, ce ne sont pas des professionnels mais il faut venir à leur côté, prendre ce qui est bien dans ce qu’ils font et puis apporter notre expérience en tant qu’ainés, pour qu’ensemble, nous puissions faire connaitre la Côte d’Ivoire hors de nos frontières, comme le font les camerounais ou les congolais. Dans ces pays-là, à partir du moment où un style est connu, tous se mettent ensemble pour donner de la force à ce style de musique là. Donc le Zouglou ayant déjà fait ses preuves, le Coupé décalé aussi, il ne faut pas que nous les doyens, on s’en éloigne. Au contraire, il faut soutenir les jeunes pour faire avancer la culture ivoirienne.
Presse Côte d’Ivoire : En tant qu’une icone de la musique ivoirienne, quel jugement pouvez-vous portez sur le niveau actuel de la musique ivoirienne ?
A chaque époque, ses réalités. Ce n’est pas les années 80, c’est pas les années 70, les jeunes maintenant, ils font la musique de leur époque. Maintenant il y a internet, on peut être ici et savoir ce qui se passe un peu partout dans le monde, le monde tend à être un village planétaire, il faut que notre musique de Côte d’Ivoire puisse être écouter à l’autre bout du monde. Il ne faut pas être enfermer. Les jeunes du coupé décalé l’ont bien compris, ils ont fait un mélange de tous cela, de la musique congolaise, de la musique ivoirienne et autres. Je pense que cette époque a ses réalités et ce sont ces réalités que les jeunes vivent et ça leur va très bien.
Presse Côte d’Ivoire : Il y a quand même un élément que vous déploré...
CT : L’élément c’est d’apprendre véritablement à chanter, aujourd’hui même si on n’a jamais tenu un micro, on peut rentrer en studio. En fait, ils font le contraire de ce que nous avons fait. Nous, nous avons chanté d’abord dans les orchestres, chanter en public avant de rentrer en studio. Mais ‘’ce n’est pas gaté ‘’ comme ils disent dans leur jargon. Mais ce n’est pas mauvais, mais c’est vrai qu’ils ont commencé par la fin, ils sont rentrés en studio mais après, ils peuvent vraiment apprendre à chanter avec des professeurs de musique ou intégrer des groupes pour apprendre véritablement à chanter.
Presse Côte d’Ivoire : Chantal Taïba après 5 ans passés hors de l’Afrique, qu’avez-vous à dire aux ivoiriens
J’aimerais dire merci à la presse dans son ensemble, parce que 5 ans après je reviens c’est comme si je n’étais jamais parti. Le public est content de me retrouver, la presse m’ouvre grandement les portes pour parler de ce dernier album ‘’ Sérédo ‘’ qui est sur le marché. Prenez le temps de le découvrir et puis me faire des retours par rapports aux critiques. Ce que vous aimez ou ce que vous n’aimez pas. Je suis ouverte.
Interview réalisée par Gaël ZOZORO