Un Président rejeté par la majorité des Ivoiriens peut-il gouverner la Côte d’Ivoire ?
Une semaine après l’élection controversée du 31 octobre, la Côte d’Ivoire va plus mal. Une traque sans merci s’exercecontre les leaders de l’opposition. Le président du Pdci, Henri Konan Bédié est emprisonné dans sa résidence de Cocody. Le régime du Rhdp y a établi un blocus qui le rend inaccessible aux visiteurs. Plusieurs de ses proches dont le secrétaire exécutif de son parti, Maurice Kakou Guikahué, ont été mis aux arrêts. Pareil pour le président du FPI Pascal Affi N’Guessan. Selon les avocats du président du conseil régional du Moronou, celui-ci aurait été interpellé aux environs d’Akoupé dans la nuit de vendredi à samedi alors qu’il se rendait chez lui à Bongouanou. Albert Mabri Toikeusse, président de l’Udpci, est aussi recherché. Selon le procureur d’Abidjan, ils sont tous poursuivis pour « attentat et complot contre l’autorité de l’Etat et l’intégrité du territoire national ». Les jeunes de l’opposition ont décidé de protester dans la rue contre le sort infligé à leurs leaders. Un mot d’ordre est lancé depuis quelques jours sur les réseaux sociaux pour une marche éclatée sur le territoire national à compter de ce lundi 9 novembre. En outre, la déchirure sociale s’est accentuée. La veille du 31 octobre et les jours suivants, des violences intercommunautaires ont fait des morts dans différentes localités. Le cas de Toumodi, où quatre membres d’une famille ont été calcinés dans leur maison suite à un incendie perpétré par des agresseurs, a particulièrement marqué l’opinion. Ainsi, à Toumodi comme dans d’autres localités, les membres de différents groupes ethniques se regardent en chiens de faïence. Des divisions sont annoncées au sein de l’armée. Le feu couve dans le pays. Dans un tel climat, le retour à la stabilité n’est pas pour maintenant, et les activités économiques s’en trouveront forcément impactées.
Voilà le résultat d’une élection présidentielle qui était censée conduire la Côte d’Ivoire vers des horizons meilleurs. Au contraire, elle a renforcé les ingrédients d’un chaos.
UN SEUL COUPABLE : L’EXCLUSION
Il ne faut surtout pas se méprendre sur les causes de cette situation pour s’accrocher aux conséquences. Les mots d’ordre de désobéissance civile, de boycott actif du scrutin du 31 octobre, et la création du Conseil national de transition (CNT) par l’opposition, résultent de la validation de la candidature inconstitutionnelle d’Alassane Ouattara pour un troisième mandat, l’exclusion par l’instrumentalisation de la justice de candidats gênants à l’élection présidentielle (Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, Mabri Toikeusse…),le refus de mettre en place une commission électorale véritablement autonome et indépendante.
Les violences survenues avant et après le 31 octobre sont donc comparables aux troubles pré et post-électoraux de 2000 où le RDR et son président Alassane Ouattara recalé par le Conseil constitutionnel, ont exigé la reprise du scrutin remporté par Laurent Gbagbo. C’est pareil pour la rébellion armée qui a éclaté en septembre 2002 en protestation contre l’exclusion de Ouattara et qui a été applaudie pendant huit ans par la plupart de ceux jettent la pierre aux opposants aujourd’hui. Pourtant la cause du mal reste la même : l’exclusion. S’il ôte un tant soit peu son manteau de la mauvaise foi, le Rhdp reconnaitra que le vote du 31 n’était une élection que pour une partie des Ivoiriens. Qu’en réalité le taux de participation est largement en deçà du taux publié par la CEI douteuse. Conséquence, cette élection et celui qui en a été déclaré vainqueur sont rejetés par la majorité des citoyens. C’est le retour à la case départ. La Côte d’Ivoire vient de faire de longs pas en arrière, pour se retrouver dans une situation similaire à celle d’avant le coup d’Etat militaire de 1999, ou celle d’avant la guerre civile de 2002. Et, face à une désunion si criante, là où il fallait des gestes d’apaisement pour recoller les morceaux de la nation si déchirée, les tenants du pouvoir, comme leurs prédécesseurs, ont décidé d’utiliser la force. Ils espèrent imposer la paix par la force. Cette paix-là, est impossible.
Cissé Sindou