Ouattara candidat, et maintenant ?





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La candidature d’Alassane Ouattara plonge la Côte d’Ivoire dans une période pré-électorale encore plus incertaine.

Le débat sur l’éligibilité du Président Alassane Ouattara est désormais au cœur de la pré-campagne présidentielle. Emboitant le pas aux juristes proches du Palais ayant écrit et défendu la Constitution de 2016, l’opposition affirme que Monsieur Ouattara, au terme de deux mandats consécutifs, n’est pas rééligible en 2020. Cela, au regard de l’article 55, alinéa 1er (article 35 dans l’ancien texte), qui dispose : « le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois. » Et aussi de l’article 183 qui précise au moment de l’adoption de cette Constitution que «la législation actuellement en vigueur (dont la limitation à deux, du nombre de mandats consécutifs) en Côte d’Ivoire reste applicable, sauf l’intervention de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente Constitution ». 

Le Président-candidat va donc faire face au rejet de sa candidature par son opposition qui dénonce un « coup d’Etat constitutionnel » en préparation, et qui pourrait maintenant trouver dans cette candidature le prétexte de la cohésion qu’elle n’avait jusque-là pas réussi à asseoir véritablement. Alors, il n’est pas à exclure qu’après les manifestations sporadiques survenues ces derniers jours à certains endroits d’Abidjan, l’on assiste à des actions de protestation concertées, mieux structurées et mieux coordonnées.

 

Désapprobation collective

 

Pour preuve, la Plateforme Ensemble pour la Démocratie et la Souveraineté (EDS) a réagi dès le lendemain du discours de Ouattara. Après avoir exprimé « sa totale désapprobation pour cette énième violation de la Constitution », elle « entend se donner les moyens démocratiques et légaux pour ne pas laisser prospérer cette autre forfaiture ».  

Le même jour, l’ONG Alternative citoyenne ivoirienne (ACI), par la voix de sa présidente Pulchérie Gbalet a appelé lors d’une conférence de presse, les Ivoiriens à la mobilisation.

Samedi, place Trocadéro à Paris, la diaspora ivoirienne a organisé un remarquable meeting pour dire « non » au 3e mandat d’Alassane Ouattara.   

Cependant, après sa décision « mûrement réfléchie », il ne faille pas s’attendre à voir Ouattara reculer devant ces contestations. Il emploiera toutes sortes de moyens pour parvenir au moins à la validation de sa candidature par les instances compétentes.

Dans une posture quasi similaire, Paul Kagamé a réussi à se faire réélire en 2017 pour un 3e mandat à la tête du Rwanda. Deux ans plus tôt, il avait procédé à une modification constitutionnelle pour s’autoriser plusieurs nouveaux mandats, puis anéanti toutes les têtes fortes de l’opposition.

Mais, d’autres chefs d’Etat voulant conserver le pouvoir n’ont pas connu le même succès que le dirigeant rwandais.

 En 2012, Abdoulaye Wade, après s’être dédit comme vient de le faire l’Ivoirien Ouattara sur son intention de briguer un troisième mandat suite à une réforme constitutionnelle, a fait mater dans le sang à Dakar, les contestations de sa candidature, avant d’être battu dans les urnes par Macky Sall.

Au Burkina Faso, Blaise Compaoré n’a pu se maintenir au pouvoir jusqu’au terme du processus de modification constitutionnel qui devait lui permettre de briguer un nouveau mandat en 2015 après 27 ans de règne. Le projet de référendum a tourné court. Le Président a été forcé à la démission le 31 octobre 2014 par un soulèvement populaire.

En 2019, l’ex-dirigeant algérien Abdelaziz Bouteflika, qui voulait briguer un cinquième mandat a lui aussi été poussé à la démission par une forte mobilisation populaire.

En Côte d’Ivoire, le forcing d’Alassane Ouattara intervient dans une stabilité qui reste fragile malgré les dix années de ‘’paix’’ consécutives à la grave crise post-électorale de 2010. Après dix années d’usure du pouvoir, le leader du Rhdp doit vaincre dans les urnes ou en dehors, d’autres grands leaders comme l’ancien Président Laurent Gbagbo dont les partisans lui sont majoritairement restés fidèles. D’ailleurs, ils battent déjà le pavé pour exiger le retour en Côte d’Ivoire de leur mentor, et sa participation à l’élection d’octobre. Sa liberté conditionnelle, on le sait, a été largement allégée par la CPI, les autorités ivoiriennes tardent néanmoins à lui délivrer le sésame qui doit lui permettre d’embarquer pour Abidjan.

Il y a également Henri Konan Bédié. Cet ancien chef de l’Etat dont le soutien a été déterminant dans la victoire de Ouattara en 2010, garde une base électorale assez solide.

Il y a enfin Guillaume Soro, l’ancien Premier ministre et ancien président de l’Assemblée nationale. Sa popularité effraie le parti de Ouattara, qui met tout en œuvre pour l’empêcher d’être candidat à l’élection présidentielle de 2020. Ainsi, plusieurs cadres de son mouvement politique Générations et Peuples Solidaires (GPS), sont détenus sans jugement depuis huit mois, quand lui-même est contraint à l’exil hors du pays par une condamnation judiciaire.

Déterminé à pérenniser son pouvoir, Ouattara réussira-t-il son pari dans ce contexte ivoirien ? Gigantesque défi !

Cissé Sindou

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