Alassane Ouattara, chef de l’Etat ivoirien, a sacrifié, le 31 décembre dernier, au rituel des vœux à la Nation. Au seuil du nouvel an. Et comme cela est devenu un culte chez lui, il est resté fidèle à deux choses : un haut débit de promesses, souventes fois creuses, dignes d’un lanceur de cauris, et la démagogie communicationnelle, l’art achevé de dire le contraire de ce que l’on est ou de ce que l’on fait. Morceaux choisis: «…Je veux néanmoins réaffirmer qu'au-delà des divergences politiques, il n'y a qu'une seule Côte d'Ivoire, notre patrie commune. Elle est une et indivisible. C'est pourquoi, nous devons veiller à ce que les mutations politiques en cours ne fragilisent pas la cohésion des Ivoiriens. Nous devons éviter la tentation du rejet de l’autre, du régionalisme, du tribalisme et de l’ethnocentrisme dans le débat politique ». Il n’y a l’ombre d’aucun doute, Aimé Henri Konan Bédié, son ex-allié, avec qui il est en froid, et c’est un euphémisme de le dire ainsi, est le destinataire de cette critique à peine voilée. Car, ces derniers temps, le président du Pdci Rda réunit dans son antre de Daoukro, les chefs traditionnels du « V » Baoulé, pour leur expliquer la crise aigüe qui secoue le parti « doyen ». Ouattara soupçonne donc Bédié de repli identitaire. Seulement voilà. Sur ce terrain-là, Ouattara n’est pas la personne la mieux placée pour donner des leçons. « On ne veut pas que je sois candidat parce que musulman et du nord » ; cette terrible phrase dont il est l’auteur a vécu. N’était-ce pas surfer sur le dangereux réflexe ethnocentriste, doublé d’un régionalisme abject et sectaire ? Passons. « C’est un simple rattrapage (ethnique) » confiait-il, sans sourciller, au confrère français l’Express qui s’inquiétait de la nomination des nordistes aux postes clés dans l’armée. Le constat était même plus alarmant que ne laissait penser la question du journaliste. Puisque la chaine de commandement était occupée majoritairement par les éléments de l’ex-rébellion, les tristement célèbres Com’zones et autres Com’secteurs. Or, c’est un secret de polichinelle, la sanglante rébellion cornaquée par l’inénarrable Guillaume Soro, et qui formait l’épine dorsale de l’armée, version Frci, était majoritairement composée de Nordistes. Du coup, l’armée qui forme avec son commandant en chef et le peuple, le trépied de la Nation, était, et l’est encore, même si elle a subi un saupoudrage, monocolore, au niveau de cette chaine de commandement. Lorsqu’on est face à une telle évidence, on ne se moque pas des Ivoiriens pour s’ériger en sentinelle contre le tribalisme, le régionalisme et l’ethnocentrisme. Le fait est que pris isolément, un mot n’a pas de sens, disent les grammairiens. « Il n’a sens que lorsqu’il est en situation ». On attend de Ouattara qu’ils mettent en pratique sa profession de foi de rejet de tribalisme et du régionalisme. On ne peut pas enfanter un concept aussi corrosif que le « Rattrapage ethnique », le mettre méthodiquement en œuvre, accaparant l’appareil civil et militaire de l’Etat, en somme, l’institutionnaliser, et regarder les Ivoiriens droit dans les yeux pour leur dire « pour ce qui me concerne, je les ai toujours dénoncés ». Heureusement qu’ils sont nombreux les Ivoiriens instruits de la parabole du bon grain et de l’ivraie. Ils savent que la paille des mots n’est pas toujours le grain des choses. Et que les démagogues ne sont pas et ne font pas ce qu’ils prétendent être ou faire.
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