Macky Sall réussira-t-il là où Blaise Compaoré, Olusegun Obasanjo et l’Imam Boikary Fofana ont échoué ? Oui, pouvait-on croire, de prime abord, parce que Macky Sall se trouve dans une bonne posture dans ses relations personnelles avec Alassane Ouattara. D’autant que Ouattara avait sollicité sa clémence, il y a quelques années, dans l’épineux problème Karim Wade, le fils de l’ancien président sénégalais, Abdoulaye Wade. Condamné à 6 ans de prison pour « enrichissement illicite», Karim était incarcéré à la prison de Rebeuss à Dakar.
Alassane Ouattara est intervenu auprès de son homologue sénégalais, Macky Sall, pour que le fils Wade recouvre la liberté. Le 24 juin 2016, Karim Wade a été libéré suite à une grâce présidentielle dont il a bénéficié. Il vit désormais au Qatar. Comme dans une sorte de logique du retour à l’envoyeur, Macky Sall attend assurément d’Alassane Ouattara, qu’il lui renvoie l’ascenseur pour le cas Guillaume Soro.
Les choses semblaient marcher bien jusque-là avant la survenance de l’affaire dite de l’hôtel El Palace de Barcelone. Face à ses partisans, samedi 12 octobre 2019, à Valence, l’ancien président de l’Assemblée nationale a affirmé avoir fait l’objet d’une tentative d’arrestation et d’humiliation commanditée par des mains obscures. Tout le monde a bien évidemment regardé du côté d’Abidjan. Le ministère ivoirien des Affaires étrangères a formellement démenti toute implication du gouvernement dans cette tentative d’interpellation.
A Abidjan, dans les cercles du pouvoir, on tente de minimiser cette annonce. Même si en réalité, les uns et les autres cachent mal le fait que Guillaume Soro apparaît plus que jamais comme un os dans la gorge du pouvoir Ouattara. Comment résoudre l’équation Soro sans perdre la face au plan politique ni froisser le médiateur sénégalais et ses devanciers ? Tel est le dilemme dans lequel se trouve Alassane Ouattara à onze mois du scrutin de 2020 auquel il ne devrait logiquement pas prendre part.
« Soro ne représente rien dans le Nord. Chez nous, c’est le président Alassane Ouattara qui demeure le leader incontesté. C’est son candidat ou lui-même qui sera suivi en 2020, pas quelqu’un d’autre. Et Guillaume le sait », nous confie un proche du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. Dans le camp Soro, on est convaincu que le camp Ouattara dissimule très difficilement sa peur de Guillaume Soro. Les visites d’Etat (improvisées) d’Alassane Ouattara dans le Nord après le passage de Soro constituent des preuves irréfutables. La rupture entre Ouattara et Soro a ainsi pris depuis le 12 octobre dernier, un virage à mille inconnus. Seule l’élection présidentielle de 2020 à laquelle participeront les deux camps ennemis, alliés d’hier, pourra démêler l’écheveau. Mais en attendant, la médiation a reçu une balle en plein cœur à travers l’affaire dite de Barcelone.
Veritas Par Didier Dépry