Le Front populaire ivoirien (Fpi) vit dans la tristesse depuis sa perte brutale du pouvoir en avril 2011. L’ex-parti au pouvoir compte ses morts. L’émotion s’est accrue ces temps-ci avec les décès successifs de quatre personnalités qui comptent parmi les « barons » de cette formation politique.
Les professeurs et anciens ministres Abouo N’Dori et Sery Bailly, l’ancien et emblématique directeur général du port autonome d’Abidjan (PAA), Marcel Gossio , ainsi que l’ex-ministre d’Etat et président d’Institution Sangaré Abou Drahamane. Ces décès rapprochés suscitent une vague d’émotion et d’inquiétude au sein du Fpi.
Mais pas seulement. Dans les autres formations politiques notamment au Pdci-Rda, on ne cache pas sa peur. Le spectre d’empoisonnement supposé ou avéré plane et les commentaires apocalyptiques foisonnent sur les réseaux sociaux ou dans les discussions de « maquis ». Certaines personnes ont même identifié les responsables de ces décès qu’elles qualifient de suspects. Ils seraient les « empoisonneurs » publics. Les « trucideurs » de leurs adversaires, à moins de deux ans de l’élection présidentielle d’octobre 2020. L’affaire a éclaté au grand jour quand le général à la retraite, Gaston Ouassénan Koné, vice-président du Pdci-Rda, a déclaré qu’il a été empoisonné et qu’il s’en est sorti miraculeusement. Même si cela demeure encore flou puisqu’il n’a explicitement indexé personne.
Faut-il y croire ? Même si dans ce bas monde, tout est possible et qu’en Afrique, tout est bon pour conquérir ou conserver le pouvoir, les histoires d’empoisonnement qui créent une vraie psychose dans le microcosme politique ivoirien sont diversement interprétées.
Hormis Désiré Tagro qui a été visiblement et volontairement pris pour cible lors de la guerre post-électorale, en avril 2011, alors qu’il était retranché avec le président Laurent Gbagbo et d’autres personnes à la résidence officielle du chef de l’Etat ivoirien, de nombreux cadres du Fpi (Bohoun Bouabré, Désiré Porquet, Gnan Raymond, Gomont Diagou, Pol Dokui, Raymond Abouo N’Dori, Sangaré Abou Drahmane, Marcel Gossio, Sery Bailly etc.) sont passés de vie à trépas de façon soudaine.
Certes, on peut trouver des raisons objectives à certaines de ces disparitions, mais celles-ci n’expliquent sûrement pas à elles seules la cascade de morts observée depuis avril 2011. Le syndrome de stress post-traumatique consécutif à la guerre post-électorale dans laquelle ils ont tout perdu y compris leur dignité humaine, peut en parti expliquer certaines morts. Ensuite, par la faute de la précarité dans laquelle leurs adversaires politiques, ceux qui ont pris le pouvoir en avril 2011, les ont maintenus en gelant leurs avoirs financiers, souvent avec l’appui de la communauté internationale. N’ayant aucun moyen financier pour se soigner, certains ont préféré se laisser mourir. Comme cet ancien élu Fpi dont nous taisons le nom, pour respecter sa mémoire. Enfin, l’ampleur de la crise de leadership au sein du Fpi. Une situation qui a affaibli l’ex-parti au pouvoir dont la division a un impact négatif sur la quiétude psychologique de nombreux cadres. Ne dit-on pas qu’un mur lézardé est fragile. C’est le cas de la nature humaine. Et celle de ce leader du Fpi qui se savait gravement malade mais qui rechignait à prendre des mois voire une année sabbatique pour se soigner, de peur de quitter l’arène.
La responsabilité du pouvoir actuel est assurément grande. C’est celle de n’avoir pas fait preuve d’humanisme et d’avoir en quelque sorte poussé à la mort des adversaires politiques. Des personnes avec lesquelles des cadres du Rdr avaient même, pour certains, des liens d’amitié. Pourquoi le régime Ouattara a-t-il agi ainsi ? La vengeance, rien que la vengeance. « Nous étions retranchés au Golf Hôtel pendant plusieurs mois et nous y avons souffert pendant que Gbagbo et les autres durcissaient la situation », nous a affirmé un jour, un haut cadre du Rhdp, la coalition au pouvoir. Comme quoi la politique, sous nos tropiques ivoiriens, n’a pas de cœur. Elle se nourrit de haine, de vengeance et d’inimitié. Dommage tout ça !