C’est une lapalissade. La justice sous Ouattara a donné des signes cliniques d’une justice soumise aux oukases du suzerain. A justice titre, les observateurs l’ont caricaturée de justice des vainqueurs, car à double détente. On ne vendait pas cher la peau des juges à qui on déniait toute intégrité. Pierre Claver Kobo, président de la chambre administrative de la Cour suprême, dont la réputation d’intégrité le précède, vient de battre en brèche ces stéréotypes. La maestria avec laquelle, lui et ses camarades, ont géré les dossiers des contentieux post-élections locales donne à croire avec Richard Wright qu’ « une lueur d’espoir peut poindre, même dans les nuits les plus désespérément noires ». Ce n’est pas la pression qui a manqué. Le premier cercle de Ouattara, certainement relayant les attentes de son mentor avait laissé fuité des consignes claires dans le sens de laisser les résultats en l’état. Après le pied de nez subi au Plateau, la ville balnéaire de Grand-Bassam, la première capitale de la Côte d'Ivoire, l’antre du vice-président de la République, Duncan Kablan Daniel, constituait un enjeu majeur. Dans le jargon militaire, on aurait parlé de position à ne pas perdre quoi qu’il advienne. A maintenir vaille que vaille. C’est sans compter avec la pression de l’Union européenne, mais surtout avec la probité des magistrats de cette chambre. Il peut y avoir des réserves çà et là, car aucune œuvre humaine n’est parfaite. Mais on ne déniera pas à cette chambre un travail méthodique dans le traitement de la centaine de dossiers reçus. Devant les émotions et la surenchère des différents camps, les magistrats ont opposé un travail d’orfèvre qui mérite d’être salué, une fois n’est pas coutume. Cela y va de la construction de notre démocratie, malmenée ces derniers temps par des politiciens à l’appétit gargantuesque du pouvoir. Par-dessus tout, ces verdicts qui semblent convenir à la majorité, montre que l’indépendance de la justice, tant ressassée, n’est pas un vœu pieux. Il suffit simplement que les magistrats osent pour lire et dire le droit, selon l’habeas corpus. Avec comme levier, le courage. Il peut y avoir des représailles des potentats locaux. Des magistrats à Abidjan se sont retrouvés d’ici au lendemain à Boundiali, dans l’extrême Nord du pays, en guise de punition, pour avoir dit le droit sous toutes ses coutures. Le prix à payer dans une société égoïste ? Seul l’emporte le serment. Il y a plus de mérite à s’en accrocher pour « tailler une pierre d’espoir dans une montagne de désespoirs ». Dixit Martin Luther King. Chapeau bas à Pierre Claver Kobo ! Merci pour ce geste d’espoir.
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