Interview/ Ivoir’santé, CMU, carte intelligente, perspective de la MUGEF-CI…: Mesmin Komoé déballe tout





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Après une année de gestion sur un mandat de quatre ans à la tête de la Mutuelle Générale des Fonctionnaires et Agents de l’Etat de Côte d’Ivoire (Mugef-ci),  le PCA, Kouamé Mesmin Komoé s’est ouvert à L’Expression. Dans cet entretien, il crache ses 4 vérités à ses adversaires et déballe tout sur la réalité à la Mutuelle, la carte unique et intelligente, la couverture maladie universelle, la refonte d’Ivoir’santé et les fraudes.

EXPRESSIONCI.COM : Qu’avez-vous découvert à la MUGEF-CI, après votre élection ?

Mesmin Komoé : En termes de réalité découverte, par extrapolation, on le dit ainsi. Mais, j’étais déjà conscient de cette réalité. Etant moi-même Premier vice-président du conseil d’administration sortant. Depuis 2015, nos chiffres n’étaient pas bons. L’exercice s’est soldé par un déficit technique.

Le résultat global de l’année était certes excédentaire, mais le déficit technique s’est fait sentir. Ce déficit, malheureusement, n’a pas pu être résorbé. Ça nous a entraîné à un déficit net d’exercice 2016 de 304 millions FCFA.

Cela s’est aggravé en 2017 pour atteindre un déficit net global de 2,4 milliards FCFA. Voici la situation que nous avons trouvée à la MUGEF-CI. Mais des soubresauts avaient été engagés pour pouvoir maîtriser toutes ces dépenses de prestation. Malheureusement elles n’ont pas prospéré.

EXPRESSIONCI.COM : La carte unique et intelligence est l’une des reformes que vous avez initiée. Pourquoi au lieu de la gratuite ou d’un financement de la MUGEF-CI, chaque fonctionnaire doit débourser la somme de 10.000 F pour l’obtenir ?

Mesmin Komoé : J’étais tout à l’heure en train d’expliquer que la mutuelle depuis trois (3) ans connait des déficits techniques. Tous ces déficits sont du fait de nos consommations qui ont augmenté beaucoup plus que le niveau de nos cotisations. Et comme, on perçoit les  cotisations pour payer les prestations, si les deux n’avancent pas dans les mêmes proportions, effectivement ça déséquilibre notre situation financière.

Donc, lorsqu’on est dans une situation financière assez difficile, je pense qu’il faut pourvoir contribuer pour arriver à améliorer cette situation. Et si aujourd’hui, nos frais de prestations ont connu cette hausse, les différentes études et audits que nous avons demandés, nous ont également révélé que pour 30%, ces frais sont greffés par des prestations frauduleuses. Donc, il faut freiner cette fraude tout en facilitant l’accès aux prestations.

Parce que de plus en plus les mutualistes se plaignaient des difficultés d’accès aux prestations liées à l’indisponibilité des bons, liées aux prescriptions ; quelque fois sur les bons qui ne sont pas conformes avec la liste des médicaments remboursables à la MUGEF-CI, etc… l’idée de la carte unique et intelligente était pour: à la fois résoudre les problèmes de sécurisation de nos opérations, mais de facilitation de l’accès aux prestations pour l’ensemble de nos mutualistes. Maintenant, quant à la question de la gratuité, en réalité, elle n’existe pas. Parce que la carte n’est pas produite par la MUGEF-CI. Donc, Il faut forcement que quelqu’un paie la carte.

Qui paie ? Là est toute la question. Certains mutualistes estiment qu’il faut utiliser les ressources de la MUGEF-CI. Mais les ressources de la MUGEF-CI, je le dis, dans une perspective de déficit n’existe plus et on ne peut pas aussi se permettre d’allouer les cotisations prévues pour soigner les mutualistes à la confection de la carte. Et pourtant, la carte est importante pour, non seulement, accroître à terme les ressources de la mutuelle, mais pour faciliter l’accès aux prestations. C’est pour cela que nous demandons cette contribution qui n’est pas nouvelle. Par le passé, c’est vrai que la carte de la MUGEF-CI coûtait 1.000 FCFA.

Mais il y avait plus grave. Lorsque vous êtes détenteur de la carte MUGEF-CI, on vous allouait un carnet de dix feuillets de bon de mutuel et chaque fois que vous devrez renouveler ce carnet de dix bon de mutuelle, vous payez 1000 Fcfa. La carte que nous mettons en route aujourd’hui est également notre carnet de santé. Elle est virtuelle. Il ne s’agira plus de venir payer 1000 FCFA chaque fois qu’on doit renouveler nos carnets.

Donc, dire que les documents de prestation à la MUGEFCI ont toujours été gratuitement donnés et qu’il ne faut pas aujourd’hui déroger à cette règle, ce n’est pas complètement juste. Parce que les documents de prestation de la MUGEF-CI ont toujours été livrés en contrepartie de quelque chose que les mutualistes donnent. D’ailleurs, tous nos amis le reconnaissent. Si aujourd’hui, vous avez perdu votre carte, quoi que vous présentiez les justificatifs de la perte de la carte par l’établissement d’une attestation de perte dûment délivrée par un commissariat compétent, vous payez 5.000 FCFA .

Pourtant, c’est une carte d’accès aux prestations. Vous l’avez perdue. Vous justifiez que vous l’avez perdu pourquoi on vous demande 5.000 FCFA pour faire le duplicata ? Toute chose pour dire que la contribution demandée aux mutualistes dans l’établissement des documents de prestation n’est pas une question nouvelle.

C’est un mauvais procès qu’on voudrait faire à l’équipe actuelle. C’est une façon insinueuse d’empêcher le groupe actuel de pouvoir dérouler le programme pour lequel, les mutualistes l’ont porté à la tête de la MUGEF-CI.

EXPRESSIONCI.COM : Opposés aux reformes au départ, on remarque que certains de vos adversaires  reviennent à vos côtés…

Mesmin Komoé : Au départ, certains n’avaient pas compris. Mais je pense que les séances d’explications qui ont suivi les rencontres que nous avons eues, ont permis de faire des éclairages. Tous ceux qui ont eu ces éclairages ont aujourd’hui compris la nécessité d’aller à une telle reforme.

Ce n’est pas de la magie que nous opérons, nous recevons des cotisations, nos payons des prestations. Il faut que les cotisations que nous recevons, arrivent à couvrir les prestations générées.

EXPRESSIONCI.COM : Avez-vous utilisé les ressources de la MUGEF-CI pour les convaincre ?

Mesmin Komoé : Pour celui qui me connait, il sait que ce n’est pas ma façon d’agir. Si je n’admets pas qu’on utilise quelques ressources de quelque nature que ce soit pour me calmer ou pour me convaincre, je ne le ferai pas pour quelqu’un d’autre. Je crois qu’on n’a pas besoin de ça.

Il y a une situation. On peut ne pas s’entendre. On peut ne pas être d’accord sur les approches. On s’asseoit. On discute puis on trouve le juste milieu. Il n’y a pas à vouloir que quelqu’un vienne utiliser les ressources de la mutuelle pour aller permettre à des gens de se taire. Ça, je ne le ferai pas !

EXPRESSIONCI.COM : Pendant vos interventions, vous revenez plusieurs fois sur les fraudes au niveau de la MUGEF-CI. Pensez-vous que la carte unique et intelligence va fermer la porte à ses fraudes ?

Mesmin Komoé : Bien sûr. Puisse que désormais, la carte est individualisée. Chaque mutualiste aura sa carte et chaque mutualiste aura le code de sa carte.

Vous ne pouvez pas prêter votre carte à quelqu’un. Aucun prestataire ne peut désormais photographier la carte de mutuelle de quelqu’un. Parce que désormais, les identifiants ne se trouvent pas sur la carte. ils sont électroniques. Tant que vous n’avez pas déverrouillé la carte,  vous n’avez pas accès à son identifiant pour pouvoir faire des prescriptions.

Toutes choses qui malheureusement sont possibles aujourd’hui. Avec la nouvelle carte également des prescriptions fictives ou des prescriptions fautives ne sont plus possibles.  Pour une pathologie donnée, si le traitement nécessite une ou deux boites, vous ne pouvez pas prescrire plus de deux boites. C’est tout cela, ce système intelligent.

La carte vous dira que pour une telle pathologie, conformément au  dosage requis pour le patient qui a un tel âge, vous n’êtes pas autorisé à aller au-delà de deux boites.

EXPRESSIONCI.COM : Concernant  l’arrimage avec la Couverture Maladie Universelle (CMU), une proposition avait été faite pour lever les cotisations de 3% à 4,5%. Pourquoi vos adversaires ne sont plus d’accords sur la question ?

Mesmin Komoé : Je pense que c’est à eux qu’il faut poser la question…Pour certains adversaires, c’est de mauvaise foi qu’ils agissent.

Parce qu’on ne peut pas dire hier en 2011 qu’on était d’accord pour l’arrimage de la MUGEF-CI avec la CMU, qu’on relève nos cotisations de 3 à 4% et puis aujourd’hui venir dire qu’on n’est plus d’accord.   Que dans le cadre de ce même arrimage, les cotisations soient revues alors que nous sommes tous conscients que selon les instructions du président de la république et du gouvernement, la couverture maladie universelle devrait être opérationnelle à compter de 2019.  On a pris une mesure en 2015.

Maintenant qu’on doit pouvoir la mettre en application, on dit qu’on n’est plus d’accord. Je trouve que ça ne fait pas responsable. Quand on prend une mesure, il faut l’assumer.

EXPRESSIONCI.COM : Certains adversaires estiment aussi que la refonte du produit Ivoir’Santé est une mesure antisociale. Que répondez-vous ?

Mesmin Komoé : C’est leur appréciation. Mais, trouveront ils normal si ivoire santé n’existe plus ? C’est la question que je voudrais leur poser. Nous avons un régime qui cumule 11 milliards FCFA de déficit et on nous demande de rester dans le statu quo. Comment est ce possible ?  Vous avez 8 milliards de cotisation pour l’année. Vous aurez 12 milliards FCFA de prestation.

Comment est ce possible ? De deux choses l’une. Ou bien, vous ramenez vos dépenses de prestation au niveau de vos cotisations ou alors vous modifiez vos prestations pour que les cotisations générées puissent couvrir les prestations. Le volet que nous avons choisi, c’est de faire en sorte que les cotisations générées puissent suffire pour payer les cotisations que nous avons encaissées. Et au nombre de ces mesures, il y a le déremboursement de ce qu’on appelle la « part adhérent », qui amenait le mutualiste à Ivoir’santé à bénéficier de 100% de prise en charge au niveau de la pharmacie. Mais le déremboursement de la «part adhérent» le ramène de 100% à 70% pour pouvoir créer l’équilibre financier d’Ivoire-Santé.

Où est ce qu’il y a d’antisocial ?  L’autre reforme que nous avons prise sur Ivoir’santé, c’est de dire qu’on ne déclare plus les concubins et les concubines. Est-ce que le concubin a un statut officiel légal en Côte d’Ivoire ? Mais nous l’avons dit ainsi parce que malheureusement ce principe de déclaration de concubins ou de concubines, subordonné juste à une simple déclaration, amène aujourd’hui, quelques mutualistes à créer des réseaux de fraude à l’intérieur d’Ivoir’santé. On déclare une concubine aujourd’hui, le lendemain, elle bénéficie de prestations de la MUGEF-CI. Le surlendemain, on vient la retirer du fichier, on déclare une autre qui le surlendemain, bénéficie d’une prestation et ainsi de suite. Comme les individus sont autorisés à déclarer autant de fois qu’ils peuvent et de changer autant de fois qu’ils veulent de concubines ; ils s’en donnent à cœur joie.

Le constat que nous faisons, c’est qu’à chaque fois, ces concubines et concubines, qu’on vient de changer, ont bénéficié de prestation à Ivoir’santé, qui quelque fois, s’élève jusqu’à 22 millions FCFA. On ne va pas continuer dans ces pertes. Il fait falloir à un moment arrêter l’hémorragie. La dernière mesure, c’est relativement aux cotisations sur Ivoir’santé. Mais contrairement à ce que nos adversaires disent, il n y a pas eu de cotisation chez Ivoir’santé. Il n y a pas de modification de cotisation chez Ivoir’santé.  A Ivoir’santé, adhéraient pour ceux qui avaient 40 ans et plus : 25.000 FCFA. Cette pratique est en cours depuis 2016. Et ceux qui adhérent avant 40 ans paient 15.000 FCFA.

C’est cette pratique en cours depuis 2016 que nous avons formalisée, que nous avons assorti d’une résolution d’assemblée générale pour lui conférer un caractère légal. Voici ce que nous avons fait. Mais cette fois ci, nous sommes allés plus loin pour dire que désormais, nous allons mettre un délai d’adhésion pour Ivoir’santé. Nous allons encourager les gens à adhérer à Ivoir’santé quand ils sont jeunes. Parce que je le rappelle, à ce niveau de cotisation : 15.000 FCFA pour une population de 10 personnes assorti de ce niveau de prestation. Les actuaires avaient indiqué en 2002, au moment de la création d’Ivoir’santé, qu’il fallait qu’on soit 100.000 pour garantir l’équilibre financier.

16 ans après, nous sommes à peine 50.000 d’adhérents à Ivoir’santé. On ne peut dire pas qu’on n’a pas encore atteint le nombre minimum pour garantir la stabilité financière d’Ivoire Santé, mais il faut qu’on continue d’avoir le même niveau de prestation qu’on aurait dû offrir à la seule condition qu’on soit 100.000. Il faudrait que les fonctionnaires comprennent que les mesures que nous prenons, ce sont les mesures pour garantir la viabilité financière d’un régime qui nous tient à cœur.

Parce que je le rappelle, c’est la seule assurance maladie qui prend les personnes jusqu’à leur mort. Il n y a pas de seuil d’assurabilité et nous ne faisons pas de discrimination par rapport au statut.

 

EXPRESSIONCI.COM : Il vous reste encore 3 ans à la tête de la MUGEF-CI. Quelles sont les perspectives ?

 

Mesmin Komoé : Les perspectives sont bonnes. Aujourd’hui nous sommes en train de travailler à résorber la question de la fraude massive sur nos différents régimes. Nous sommes en train de travailler à réussir un arrimage parfait avec la couverture maladie universelle. Nous sommes en train de travailler à accroître le patrimoine de la MUGEF-CI à l’effet de lui donner beaucoup de ressources additionnelles qui pourront être réinvesties pour améliorer la qualité de prise en charge des mutualistes.

C’est en ce sens que nous ouvrons très bientôt le premier Centre optique mutualiste. Nous avons fini le bouclage du dossier de la prise en charge des fonctionnaires en attente de leur premier mandatement. C’est une injustice vieille de 45 ans que nous sommes en train de corriger. Ça va engendrer en termes de trésorerie des efforts à faire pour mobiliser environ 750 millions de FCFA par an. Nous sommes en train de travailler également pour accroître les capacités d’offre de soins aux mutualistes.

Nous allons bientôt ouvrir le deuxième hôpital des fonctionnaires après 45 ans, à Bouaké (centre ivoirien). Nous travaillons à pouvoir ouvrir au cours des années à venir deux autres centres complémentaires à Abidjan. Voici tous ces efforts que nous sommes en train de déployer.

Cela  nécessite qu’il y ait un environnement tout à faire serein au niveau de la mutuelle. C’est pour cela que nous invitons les uns et les autres, tous ceux qui peuvent contribuer efficacement à la construction de l’édifice qu’on se rapproche. Nul n’est détenteur exclusif de vérité. Nul n’a la science infuse. Mais ensemble que nous regardions parce que la mutuelle est notre bien à nous tous.

 

Entretien réalisé par Fulbert Yao.

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