Persuadé de la faiblesse rédhibitoire et presque congénitale de son opposition, le régime Ouattara s’en donne à cœur joie pour occuper irrémédiablement tous les secteurs vitaux de la vie publique ivoirienne. Dans cette entreprise, rien ne semble pouvoir l’arrêter. Excepté les injonctions des occidentaux qui, lorsque leurs intérêts sont en jeu, ne s’en laissent pas conter. Il y a un an, le gouvernement Ouattara, sûr de son bon droit, avait pondu une annexe fiscale à la loi des finances 2017.
Le projet avait été adopté à l’unanimité en conseil des ministres présidé par Alassane Ouattara, lui-même. Là-bas, personne ne s’est aperçu des nombreuses incongruités contenues dans le document. Au parlement, où le régime détient une insolente majorité, le projet de loi est passé comme lettre à la poste. En dépit des critiques et avertissements du député Pascal Affi N’Guessan.
Dès le lendemain de la publication de ladite annexe fiscale, elle fut vigoureusement attaquée de toutes parts. Industriels, commerçants, réseaux sociaux ivoiriens s’y sont mis. En vain. Le gouvernement avait fait la sourde oreille jusqu’à ce que les entreprises françaises dont les intérêts se trouvaient également menacés, se joignent discrètement à la contestation. Par leur gouvernement interposé.
Alors, à la surprise générale, Alassane Ouattara, « l’économiste hors pair » et chef incontesté de notre gouvernement, a reconnu que l’annexe fiscale 2017, adoptée par le parlement ivoirien, était pour le moins …bancal. Résultat des courses, le gouvernement de la Côte d’Ivoire a dû piteusement reconnaitre ses errements économiques et a revu sa copie. Par ordonnance. En ignorant royalement l’Assemblée nationale qui est restée coi.
Depuis ce couac humiliant, les ordonnances sont devenues les instruments légaux dont se sert Alassane Ouattara pour forcer allègrement son passage. Ainsi, bien que fortement ébranlé par le cinglant désaveu national et international essuyé dans le dossier de l’annexe fiscale 2017, le gouvernement Ouattara a pris une loi ordinaire par ordonnance afin de pourvoir en sénateurs, un sénat qui n’existe pas. La loi fondamentale en vigueur depuis 2016 prévoit sa création au moyen d’une loi organique. Cette dernière n’a toujours pas été votée.
Par voie de conséquence, non seulement la démarche du gouvernement est illogique (la charrue avant les bœufs) mais aussi et surtout elle est anticonstitutionnelle. Mais pas pour le porte-parole du gouvernement qui, quelque temps après, a pris sur lui de balayer d’un revers de la main - sans le moindre argument juridique - les réserves de l’éminent juriste constitutionaliste et ancien président du conseil constitutionnel, Pr Francis Vangah Wodié.
Pour le moins donc, on peut affirmer que le régime Ouattara n’a que faire du point de vue des Ivoiriens qui ne le caressent pas dans le sens du poil. Ceux de son camp qui s’essaient à la critique, il leur prend le « tabouret » sans se soucier de la légalité de l’opération. L’opinion publique ? Il s’en tape. Pourvu que l’UE, la France et les USA regardent ailleurs.
L’Opposition ? A l’exception du Fpi qui, avec Pascal Affi N’Guessan, prend les problèmes de gouvernance sur son épaule, Alassane Ouattara a réussi à l’émietter : Mfa, Lider et tutti quanti. Recroquevillée sur elle-même et en butte à des luttes intestines, celle-ci se borne à pondre des communiqués et à faire le tour des partenaires au développement pour obtenir leur soutien contre le régime en place, alors même qu’elle n’a pas fait la preuve du soutien populaire à sa cause. Qui va donc l’arrêter ? Le Pdci ? Pas sûr. Il est vrai qu’à un moment donné il avait donné à croire qu’il peut reprendre le combat d’Houphouët-Boigny. Mais, lui-aussi montre aujourd’hui des signes de fébrilité et de faiblesse. En témoigne, le nombre grandissant de ses cadres qui se sont mis en congé de leur parti pour rejoindre le Rhdp, le nouveau parti du chef de l’Etat.
Pour tout dire, au plan national, tout porte à croire que le régime Ouattara ne craint personne si ce n’est moyennement Soro Guillaume, son ex-allié, qui vient de passer un mois fructueux dans le nord du pays. Au final, il faut bien l’admettre, seuls les occidentaux font frémir Alassane Ouattara. Pour le moment. Qui va changer ça ?
Par Bamba Franck Mamadou