Footing sur le boulevard Latrille : entre courir et périr





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Malgré la dense circulation sur le boulevard latrille, les amoureux de footing y sont réguliers



Il est de notoriété publique que le sport est une nécessité. Les Ivoiriens, qui l’ont bien compris, s’adonnent à diverses activités pour maintenir leur santé. Le footing par exemple, se pratique partout : dans des espaces dégagés, sur des terrains de sport, etc. Surtout aux abords de grandes voies, avec tous les risques que cela comporte. Nous avons pu le constater sur le célèbre boulevard Latrille, devenu un point de rendez-vous quotidien pour les adeptes de la course à pied. Incursion dans un milieu où sportifs, véhicules et motocyclistes se côtoient.

Le soleil se couche. Nous choisissons cet instant pour revêtir notre tenue de sport : culotte, t-shirt et les traditionnelles chaussures en caoutchouc appelées "lèkè". Et le footing commence dès le commissariat du 22e arrondissement d'Angré, dans la commune de Cocody. Direction Sococé de la même commune. Nous prenons la voie piétonne du boulevard Latrille. Tout le long du boulevard, de nombreux coureurs arpentent les trottoirs, pratiquant leur footing quotidien. Pour certains, c'est une habitude bien ancrée, un rendez-vous qu’ils ne manquent jamais, que ce soit en solo ou en groupe.

Arrivés au niveau de l'Opéra, nous rencontrons Evrad Kouassi, un habitué de la voie. « D'habitude, je commence un peu plus tôt, mais aujourd'hui, avec le boulot, je suis descendu tard. Chaque soir, je fais mon footing pour travailler mon endurance et garder la forme. Ça fait un moment que je m'y suis mis, et honnêtement, ça me fait du bien. Je ne vais pas trop en salle, car je n'aime pas être enfermé », nous confie-t-il.

Courir dehors semble offrir un spectacle fascinant. Comme ce couple à qui nous arrachons quelques mots près du carrefour Las Palmas et qui nous fait part de son expérience : « Nous ne courons pas tous les jours, mais nous le faisons de temps en temps pour notre santé. Courir sur la route détend, et parfois on assiste à des scènes amusantes qui nous déstressent. La dernière fois, on a aperçu deux individus se faisant appeler "syndicat" se battre. On s'est arrêté pour les regarder avant de reprendre notre course. Ça casse la routine et libère l'esprit », raconte l’homme, qui préfère garder l’anonymat.

Qui parle de footing parle de la question de la santé mais aussi de sécurité sur les routes. Le médecin généraliste Dr Zerbo nous éclaire sur les dangers indirects liés au footing en milieu urbain. « Le sport en général est bon pour la santé, mais ce sont les facteurs indirects qui posent problème, notamment la circulation. J'ai déjà vu une famille se faire faucher par une voiture en plein footing. Les véritables dangers, ce sont la circulation et le CO2 (ndlr : le gaz carbonique dégagé par les véhicules) des voitures qui fatiguent les poumons », explique-t-il.

Pour approfondir ce volet sanitaire, nous sollicitons les services de la coach sportive Basiru à l’université de Cocody. « Je ne dirais pas que c’est mauvais pour la santé, mais c’est dangereux. La rue est déjà un espace risqué, surtout quand on fait du sport à côté des voitures. Il y a toujours un risque d’accident », confirme-t-elle.

Les dangers de la route, tous les pratiquants du footing en sont conscients. Entre les chauffards imprudents auteurs de l'incivisme routier qui règne à Abidjan, c’est un peu comme courir avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Au Carrefour Duncan, du nom de l'ancien Premier ministre ivoirien Daniel Kablan Duncan, un homme assis près d'une station-service nous livre son ressenti : « Parfois, tu cours et un taxi ou une moto te klaxonne dans le dos. Si tu n’es pas vigilant, tu peux te faire cogner, et après, ils viennent s'excuser. On se souvient tous de cette famille qui a été tuée près de la cité Arcades à Angré. Malgré tout, on continue, tu sais comment c'est. Ici, c’est Dieu qui nous protège et nous, on fait notre sport », dit-il en souriant.

Il fait déjà nuit et notre reportage s'achève à Sococé. Entre la peur d’être renversé et le risque de respirer les gaz d’échappement, les pratiquants du footing de rue continuent à se surpasser chaque soir, trouvant dans cet effort quotidien une forme de liberté et de bien-être.

DK

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