Cherté de la vie : qui va nous sauver?





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La cherté de la vie en Côte d’Ivoire est une réalité palpable, tangible. Elle se vit au quotidien et aucun foyer, fût-il le plus solidement protégé et le plus « debout », n’est à l’abri de la foudre des prix des denrées alimentaires de première nécessité. Pressecotedivoire.ci qui est allée sur les marchés d’Adjamé, de Cocody et d’Abobo, est revenue avec des résultats qui donnent du tournis. Pauvres Ivoiriens !

Au marché d’Adjamé, selon nos reporters, le kilogramme de tomate fraîche s’achète aujourd’hui à 1500 FCFA. Alors qu’il y a une dizaine de jours, il se vendait à 800 FCFA, ce qui était déjà excessif. A Cocody-centre, informent les vendeuses, « le seau d’aubergines du village » qui était proposé à 5000 FCFA aux clients il n’y a pas très longtemps, s’achète maintenant à 12.000 FCFA. De sorte que les revendeuses font désormais le tas à partir de 500 FCFA au lieu de 200 ou 300 FCFA.

Cette triste réalité qui pèse assez lourd sur les familles ivoiriennes, notamment les moins nanties, est vécue aussi sur le marché de la Palmeraie où une vendeuse explique : « Le petit seau de piment qu’on avait à 2000 FCFA est passé à 5000 FCFA. C’est vraiment cher ». Quant au prix du kilogramme de viande, il n’arrête pas de prendre l’ascenseur. « Madame, dit le vendeur à notre reporter, le kilo de la viande de bœuf est à 3000 FCFA. D’autres mêmes le vendent à 3200 FCFA. A l’abattoir où nous nous approvisionnons, le prix a augmenté ».

Au marché d’Abobo où de nombreuses familles y compris les plus « debout du pays » allaient se ravitailler la plupart du temps en raison des prix relativement faibles des produits, les prix des denrées alimentaires sont devenus intenables. Ainsi que l’explique une vendeuse à notre reporter : « Des légumes qu’on pouvait avoir à 500 ou 1000 FCFA, maintenant on nous les vend à 2000 voire 2500 FCFA. Que l’Etat nous aide, on meurt de faim ». Partout, sur les marchés d’Abidjan, la montée fulgurante des prix des denrées alimentaires est une réalité irréfragable. « Les prix ont été multipliés par 2 voire 3 », explique, mécontente, une vendeuse à notre reporter à Abobo.

Sur les raisons de cette sauvage augmentation, les vendeuses des marchés sont unanimes : « Ce sont les grossistes qui ont augmenté les prix ». Ceux des grossistes qui ont bien voulu parler, embouchent chaque fois la trompette de l’augmentation du prix du carburant et, surtout, de la multiplication des barrages de policiers et de gendarmes sur les routes, qu’elles soient bitumées ou pas. Ces grossistes mettent le doigt sur les « sommes faramineuses » qu’ils sont tenus de payer (qu’ils soient en règle ou pas) aux forces de l’ordre pour poursuivre leur route. Ils n’oublient pas les péages qui demandent un budget conséquent aux gros camions de transport de marchandises.

C’est au regard de tous ces facteurs connus de tous que O.O., chimiste dans une entreprise de la grande distribution, a tenu à s’adresser au Premier ministre Beugré Mambé, son co-religionnaire. « J’ai suivi, dit-il, son explication devant les élèves-fonctionnaires de l’Ecole nationale d’administration (ENA), le jeudi 2 mai dernier. Je n’ai pas reconnu Beugré Mambé, le pasteur, l’homme sans problème, le serviable. J’ai conclu que la politique est en train de le changer. Il a donné des explications tellement bizarres sur la cherté de la vie que je me demande si lui-même a compris ce qu’il a voulu nous expliquer ».

C’est que le Premier ministre, mathématicien, ingénieur des Travaux publics, présent ce 2 mai 2024 à l’ENA et devant les élèves de la 58è promotion de cet établissement de qualité, voulait rétablir la vérité en donnant sa vérité sur le coût trop élevé de la vie. Puisque la veille, lors de la Fête du travail du 1er mai, les travailleurs ont dénoncé la cherté de la vie. Robert Beugré Mambé s’est alors souvenu qu’il était un étudiant brillant en sciences. D’où la convocation d’une formule mathématique abstraite pour expliquer une situation ordinaire, empirique et politique.

Ce qu’il faut retenir de cette prise de parole publique du chef du gouvernement ivoirien, c’est que, parlant de la cherté de la vie, selon lui, les gens s’excitent beaucoup sans savoir de quoi il est question. Il conseille donc aux élèves de l’ENA qui supportent difficilement, comme tous les Ivoiriens, le coût très élevé des denrées alimentaires, de ne pas prendre pour argent comptant, tout ce qui s’écrit sur le coût de la vie. « Ayons le discernement et ne comparons pas le coût de la vie à New York au coût de la vie à Abidjan. Comparons les choses qui sont comparables », tranche-t-il. Cependant, il invite courageusement les élèves de l’ENA, à se fier aux chiffres produits sans doute par son gouvernement et les institutions financières internationales et qui disent clairement que la pauvreté a reculé en Côte d’Ivoire. Fantastique !

Comme le chimiste O.O., nous avons été surpris par la démonstration, à l’aide d’une formule mathématique, du Premier ministre. Nous nous attendions de la part de l’homme que ceux qui connaissent qualifient de pragmatique, une proposition de solution plus que pragmatique pour résoudre le problème du coût de la vie. Ou à tout le moins, une solution pour l’atténuer. Et les éléments du problème qu’il faut toucher ne sont pas cachés.

Dans un premier temps, donner ordre aux policiers, gendarmes, douaniers et eaux et forêts postés aux barrages routiers de ne plus soutirer de l’argent aux camions transportant des denrées alimentaires. Si ceux-ci sont fautifs, qu’ils soient amendés et qu’ils aillent payer le forfait dans une agence du trésor public. Dans un deuxième temps, que soit mise sur pied une brigade composée d’hommes et de femmes (civils et corps armés) affables, crédibles et qui n’ont pas de relation publique établie avec l’argent facile. Cette brigade fera des visites inopinées de terrain afin de dissuader toute remise en cause de la décision gouvernementale. Dans un troisième temps, diminuer, si possible, les barrages routiers. Et dans un quatrième temps, prendre un décret pour exempter les camions transporteurs de denrées alimentaires de taxes de péages sur les routes.

Les fonctionnaires, agents de l’Etat et autres Ivoiriens reconnus pour leur probité existent dans ce pays pour animer cette brigade. Pas besoin donc de créer une poche supplémentaire de dépenses publiques. Si le Premier ministre donne le feu vert à ses conseillers, ils peuvent rapidement plancher sur ces petites solutions et sortir un solide document pour contrer la flambée des prix des denrées alimentaires sur les marchés nationaux. Et c’est la population de Côte d’Ivoire, plus particulièrement le bas peuple, qui « respirera un coup ». Et Mambé ne sera plus obligé de faire appel aux fonctions polynômes, formule mathématique d’une extravagance lunaire, pour expliquer la cherté de la vie.

Ce sera derrière lui. Une vieille histoire.

Abdoulaye Villard Sanogo

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