Fistule obstétricale : le témoignage émouvant d’une victime qui était obligée de vivre dans une poubelle





fistule-obstetricale-le-temoignage-emouvant-dune-victime-qui-etait-obligee-de-vivre-dans-une-poubelle

Odile Sekoua a vécu plusieurs années dans une poubelle ) cause de la fistule



Odile Sékoua, originaire de l’ouest de la Côte d’Ivoire, a vécu avec la fistule obstétricale pendant 23 ans. A cause de cette maladie invalidante et humiliante, elle a été tenue de vivre dans une décharge d’ordures à Grand-Bassam. Elle a accepté de nous raconter son calvaire il y a quelques semaines, à l’occasion de l’assemblée générale de la Mutuelle des médias privés de Côte d’Ivoire (MS-Médias) à Yamoussoukro.

Comment êtes-vous devenue porteuse de fistule obstétricale ?

J’ai eu la fistule en 2008 à Man après un accouchement difficile. J’ai perdu l’enfant qui était mort-né et moi-même j’ai été paralysée. Quand je me suis rendue compte de la maladie, je me suis rapprochée des équipes de Génération des femmes du troisième millénaire (GFM3). Mais à l’époque, leurs équipes nous demandaient de payer leur transport pour qu’ils nous accompagnent à Man. Mais je ne pouvais pas le faire. C’est comme cela que je me suis retrouvée à Grand-Bassam à l’issue de la crise post-électorale.

Et qu’est-ce qui s’est passé à Grand-Bassam ?

Lorsque j’ai eu la fistule, j’ai quitté mon village pour me retrouver avec mes sœurs à Grand-Bassam. Mais elles n’ont pas voulu nous garder à cause des odeurs qui se dégageaient. Même quand elles préparaient, elles ne nous donnaient pas à manger, mon fils qui avait environ 12 ans et moi. Histoire de nous obliger à partir de la maison. Il y avait un hangar non loin d’une décharge au centre-ville. C’est là que nous avions trouvé refuge. Tous les jours, nous dormions sous ce hangar et le matin, nous allions fouiller dans la poubelle pour avoir de quoi manger. Nous y avons vécu de 2011 à 2013.

Pendant tout ce temps, où étaient vos parents ?

J’ai été maltraitée, humiliée par mes parents. L’on me réveillait avec le pied en se tenant le nez pour me parler. Quand on vit avec la fistule, on est rejeté, même par nos parents.

A quel moment avez-vous finalement pu être opérée ?

C’est mon premier fils qui a eu l’entrée en 6e lorsque j’ai contracté la maladie qui, après son doctorat, est venu me trouver à Grand-Bassam et a utilisé ses économies pour me faire soigner en 2023. Dieu merci on ne m’a opérée qu’une seule fois. Ne voulant pas retourner au village encore moins à Grand-Bassam, je suis restée au Chr de Man pour aider à la prise en charge des femmes malades qui n’ont pas de soutien. Cela, en pensant à mon ancienne situation.

En quoi consiste votre apport ?

Cette maladie est avilissante. Certaines femmes viennent démunies à l’extrême. Souvent, elles n’ont même pas de pagne de rechange. Elles sont obligées de s’arrêter dans les caniveaux pour que les urines coulent afin de ne pas être mouillées. Dans la nuit, elles dorment à même le sol pour ne pas mouiller le lit. Je leur fait à manger et j’achète du savon pour qu’elles puissent laver leurs pagnes de rechange, pour celles qui viennent avec des pagnes. Elles aussi ont des soucis lorsque ceux-ci sont sales. Elles sont tenues de rester sur les vases en attendant qu’ils sèchent. Si jamais il pleut, c’est le calvaire. Tant que les linges de rechange ne sont pas secs, elles sont sur les vases.

Aujourd’hui, après cette expérience douloureuse, quel message avez-vous à lancer ?

Aujourd’hui, je fais de la sensibilisation dans tous les milieux que je fréquente car il n’y a rien de tel que lorsqu’une femme est guérie de la fistule. J’en ai fait mon combat. Je demande aux communautés d’éviter les excisions, les mariages précoces et forcés. Que nos parents aient pitié de nous car une femme qui est allée accoucher et qui a eu la fistule n’est pas une sorcière. Elle voulait donner la vie et cela s’est transformé en cauchemar.

Réalisée par Solange ARALAMON

 

 

 

 

 

 

Partarger cet article

En lecture en ce moment

Elections à l'UNJCI : La liste Bamba Idrissa clarifie tout

L’aide publique de l’Etat à la presse s’élève de façon cumulée à neuf milliards FCFA