Fistules obstétricales : à la rencontre de survivantes de la « maladie de la honte »





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les victimes de fistules obstétricales sont prises en charge par un programme de l'Unfpa à l'hôpital général de Bouna



Dans le souci d’informer les populations mais aussi de susciter l’engagement des décideurs clés afin d’institutionnaliser la prise en charge de la fistule obstétricale qui créé des ravages dans certaines régions du pays, le Réseau des femmes journalistes et des professionnelles de la communication de Côte d’Ivoire (Refjpci) a initié des missions de terrain dans plusieurs localités.

C’est dans ce cadre que nous avons effectué une mission du 21 au 25 septembre 2023 à Bouna, dans la région du Bounkani, située dans l’extrême Est de la Côte d’Ivoire.

Arrivées dans la matinée du vendredi 22 septembre 2023, nous prenons, sans tarder, la direction de l’hôpital général de Bouna. Après les formalités avec l’administration, nous sommes conduites par le surveillant général et les équipes de l’Unfpa sur place, au pavillon réservé à la prise en charge des femmes souffrant de fistule obstétricale. C’est un grand bâtiment, peint en bleu et blanc, arborant la pancarte Unfpa et Koica, des organismes qui en ont fait don à l’établissement sanitaire de la ville. Située dans le fond de l’hôpital, la bâtisse dans laquelle se trouve une vingtaine de lits est gérée par une équipe de professionnels de la santé.

Nous avons rencontré des victimes, mais aussi des survivantes de ce fléau surnommé « la maladie de la honte » et qui est considéré comme un véritable drame social pour les femmes. Dans ce centre, nous avons discuté également des prestataires de soins de santé, des agents communautaires, des leaders religieux et des autorités administratives.

 « Dans la majorité des cas, le constat se fait après un accouchement prolongé sans assistance… »

 Tous ont été unanimes que les fistules obstétricales surviennent généralement chez des jeunes filles excisées, à la suite d’un accouchement difficile. « Dans la majorité des cas, le constat se fait après un accouchement prolongé sans assistance. La pression constante de la tête du bébé sur l'os pelvien de la mère endommage les tissus mous, créant un trou ou fistule entre le vagin et les différentes cavités. Mais nous constatons aussi que ce sont les femmes excisées qui sont les plus touchées », a fait savoir Dr Kouassi Kouadio, chirurgien et point focal de la fistule obstétricale de Bondoukou qui a procédé aux opérations des victimes, ce jour-là.

Les malades prises en charge nous ont expliqué leurs réalités et des difficultés qu’elles traversent en tant que porteuses de fistule. « Depuis mon accouchement, à l’issue duquel j’ai eu la fistule, la vie est devenue un enfer. Mon mari et mes proches m’ont rejetée. A mon passage, les gens bouchent leurs narines, en disant que je sens mauvais. J’ai un oncle qui m’a informée qu’il y a avait une prise en charge à l’hôpital. Je suis venue ici et on m’a transférée à Bondoukou car mon cas était trop grave. J’ai dû subir exactement 9 opérations avant d’avoir la guérison aujourd’hui », nous a confié, son calvaire, une jeune femme de 25 ans sous le couvert de l’anonymat.

Il faut redonner de la dignité aux survivantes…

Après la prise en charge médicale, plusieurs organisations dont des chefs religieux, membres de l’Alliance des religieux pour la santé intégrale et la promotion de la personne humaine (Arsp) et « Espace ami des femmes » s’occupent de la prise en charge psychologique des femmes. Elles leur permettent de retrouver leur dignité en leur donnant les moyens pour entreprendre des activités génératrices de revenus.

Selon les équipes de l’Unfpa, en Côte d’Ivoire, la prévalence de la fistule obstétricale est estimée à 1% soit un effectif de femmes vivant avec la fistule obstétricale (FO) d’environ 73856 en 2021 (RGPH 2021). Ce chiffre est d’ailleurs sous-estimé puisque les femmes porteuses de fistules vivent le plus souvent cachées et en marge de la société et de leurs communautés du fait du caractère dit honteux de la maladie.

En tant que leader de la campagne mondiale pour l'élimination de la fistule, l’Unfpa propose une vision stratégique et un soutien technique. Pour ce faire, l’Agence distribue des fournitures médicales, assure des formations et procure des fonds en faveur de la prévention et du traitement de la fistule, mais également de programmes de réinsertion sociale et de plaidoyer. L’organisation renforce également les services de santé maternelle et les services obstétricaux d’urgence afin de prévenir l’apparition de cette lésion.

 Le nouveau plan stratégique de l'Unfpa (2022-2025) met l'accent sur les accélérateurs pour atteindre les trois résultats transformateurs : mettre fin aux décès maternels évitables, mettre fin aux besoins non satisfaits en matière de planification familiale et mettre fin aux violences basées sur le genre et aux autres pratiques néfastes, telles que les mutilations génitales féminines et les mariages précoces.

 Solange ARALAMON, envoyée spéciale à Bouna

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