Soro : le refus du « dialogue du maître et de l'esclave » 





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Guillaume Soro, contraint à l’exil depuis 4 ans, souffle sa 51e bougie ce 8 mai 2023. A tous ceux et celles qui le pressent à demander pardon à Alassane Ouattara pour pouvoir regagner son pays, son message reste le même.

J'ai eu une longue conversation ce week-end avec un cadre du Rhdp au sujet de Guillaume Soro. Mon interlocuteur fait en effet, partie des nombreux partisans modérés du Président Ouattara qui souffrent intimement du conflit entre celui-ci et le leader de GPS. Ils souhaitent donc au plus vite une réconciliation des deux personnalités. A cet effet, mon interlocuteur va me ressortir une phrase que j’ai déjà entendue de sa bouche : "Dites-lui (à Guillaume Soro) de demander pardon à son père (Ouattara) et il va le laisser rentrer au pays. Je lui rétorque que le retour de Guillaume Soro ne devrait-il pas être la préoccupation de ce dernier, et non celle d’un pro-Ouattara ? Après avoir éloigné l’ex-président de l’Assemblée nationale aujourd’hui contraint à l'exil sous la menace de plusieurs peines d'emprisonnement en Côte d'Ivoire, Alassane Ouattara et ses partisans ne devraient-ils pas s'occuper uniquement de la gestion de leur pouvoir au lieu de s'intéresser à un exilé « fini » politiquement ?  La réponse du haut cadre en question :  « Nous voulons rassembler tout le monde. Le Président Ouattara pourrait même créer un haut poste s’il demande pardon. Aussi, nous ne voulons pas qu’il continue à dire partout qu’il est en exil. Ce n’est pas une bonne image pour notre pays… », justifie-t-il sa demande. J'ai alors compris que lui et bien d’Ivoiriens n'ont pas encore compris le vrai sens de la résilience de l'opposant Soro ou alors ils la banalisent.

Pour rappel, le leader de GPS, interrogé dans une interview parue dans Générations Nouvelles le 11 février 2021 s’il était prêt à un dialogue avec le pouvoir Ouattara, nous donnait la réponse suivante : « Le Président Félix Houphouët-Boigny a fait du dialogue une seconde religion. Mais pas à n'importe quel prix ! Pas le dialogue de la soumission ni de l'humiliation. Vous savez, le dialogue doit être sincère. Le dialogue des braves ! Pas le dialogue du plus fort ou le dialogue du maître et de l'exclave. Dans une République, un tel dialogue n'est pas constructif ». Voici le sens qu'il donne à sa résilience. Guillaume Soro n'est donc pas pour une négociation avec Alassane Ouattara dans laquelle il lui sera exigé de renoncer à sa conviction, notamment son refus d'adhérer au Rhdp, ou son ambition de briguer la magistrature suprême. De même, il refuse qu'il lui soit exigé de demander pardon à Ouattara alors qu'il se considère comme la victime de celui-ci.

Le pouvoir Ouattara, rappelons-le, a déployé toute une traque politico-judiciaire contre Soro et ses partisans depuis sa démission de la présidence de l'Assemblée nationale en 2019. La justice a été instrumentalisée pour faire arrêter plusieurs de ses proches dont ses frères Simon et Rigobert Soro, son directeur de protocole Koné Kamaraté Souleymane dit Soul To Soul encore incarcéré. Un projet de coup d'Etat lui a été attribué pour le diaboliser. Il a été traité de receleur, sa résidence de Marcory lui a été arrachée et ses biens ont été vendus aux enchères pour l'humilier. Guillaume Soro considère que tout cela a été fait contre lui pour le contraindre à renoncer à ses ambitions et à négocier son retour auprès de Ouattara. Ce qu'il refuse en toute légitimité.   

Pour mon interlocuteur cadre du Rhdp, Guillaume Soro compromet ses chances de devenir président de la République de Côte d'Ivoire s'il ne se rapproche pas maintenant d'Alassane Ouattara pour tenter son ascension dans l'ombre de celui-ci. Je lui réitère qu’il n'a toujours pas compris l'état d'esprit du leader de GPS. Je lui rappelle que celui-ci a publiquement confié son sort à Dieu et préfère ne jamais devenir président de la République si telle était la décision du Tout Puissant, que de s'engager avec le pouvoir Rhdp dans une démarche de compromission contraire à ses convictions. Celui qui a compris cela, sait désormais qu'aussi longtemps que durera son exil, Guillaume Soro ne négociera pas son retour en Côte d'Ivoire à n'importe quel prix. Il est moralement prêt à vivre cet exil et n'attend pas non plus qu’une « catastrophe » s’abatte sur le pouvoir de Ouattara pour espérer pouvoir rentrer au pays, comme le prétendent certains caciques du pouvoir actuel.

Cissé Sindou

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