Faut-il dire merci à la Russie ou aux Africains décomplexés ?





faut-il-dire-merci-a-la-russie-ou-aux-africains-decomplexes


C’est irréversible. L’Afrique est plus que jamais décomplexée. Elle ose même au point de surprendre aussi bien ses populations que ses traditionnels partenaires. Ces derniers, véritables tortionnaires et méchantes sangsues, l’ont traite jusqu’aux os.

Et l’ingénieur agronome René Dumont n’a pas eu tort d’affirmer, dans un livre publié en 1962, que le continent noir était mal parti. Tant ses dirigeants manquaient manifestement de lucidité avec le malheureux choix qu’ils ont fait de privilégier le commerce extérieur au détriment de leur propre agriculture.

60 ans après cette affirmation d’un homme de terrain qui sommait les élites africaines issues nouvellement des indépendances « de reprendre en main leur agriculture, leur école en parvenant notamment à établir une culture vivrière locale et à éradiquer [enfin] la faim mais aussi en repensant l’école et ses structures », on peut le dire, le réveil a sonné.

Cette liberté retrouvée, cette émancipation ou cette décomplexion, est sans doute le fruit du combat mené tambour battant par une jeunesse sortie, en partie, des écoles occidentales ou à tout le moins, en contact permanent avec le reste du monde.  

Cette jeunesse, soulignons-le, a les pieds dans le néolithique et la tête dans le thermo-nucléaire. Elle sait presque tout et n’en pouvait plus de voir son continent malmené ainsi par un autre ou d’autres dans un monde où, pourtant, l’on prône le respect mutuel.

Ainsi, poussés par un peuple réveillé, assoiffé de liberté pure et de conquête historique, les chefs d’Etat africains devenus décomplexés à leur tour par le jeu de la transitivité, se sont offert le luxe de faire d’une pierre plusieurs coups. Sans crainte aucune de se faire tirer les oreilles par l’ogre occidental de partenaire, ils sont entrés « pieds et mains joints » dans un partenariat multilatéral gagnant-gagnant.

Un choix responsable et assumé qui les conduit aussi aisément aux sommets France-Afrique, Afrique-Amérique, Afri-Japon, que sereinement aux rencontres Chine-Afrique et même Russie-Afrique. Le supplice ne pouvait plus durer longtemps devant tant et tant de choix discriminatoires des partenaires qui, visiblement, ne voient pas les Africains comme des hommes et des femmes avec lesquels il faut traiter d’égal à égal. Mais plutôt comme des vaches à traire.

Le 20 octobre 2020, au terme d’une visio-conférence organisée à la fois par l’ONU, le Danemark, l’Allemagne et l’Union européenne pour venir en aide à trois pays d’Afrique de l’Ouest dans leur difficile lutte contre le terrorisme, les donateurs ont promis de rassembler 1,7 milliard de dollars. Trois ans plus tard, demandez au Maliens, Nigériens et Burkinabè si cette aide leur est parvenue.

Par contre, un an après le début de la guerre en Ukraine, les pays de l’Otan en sont déjà à 151 milliards d’euros d’aide militaire, financière ou humanitaire à l’Ukraine, selon le dernier rapport de l’Institut Kiel. Ce rapport a été publié le 4 avril 2023. Les Etats-Unis à eux seuls ont soutenu le pays de Zelensky à hauteur de 71,28 milliards d’euros.

Les Russes qui, apparemment, ne font pas les mêmes calculs que les responsables de l’Otan, ont décidé d’aider sérieusement ces pays africains à sortir de l’impasse. Ceux-ci ont reçu du pays de Poutine des armes de guerre, des chars, des avions de combat et même des combattants aguerris pour bouter hors de leur territoire ces méchants hommes qui tuent les yeux ouverts.

Cette aide somme toute efficace qui rend la Russie plus que populaire chez les populations africaines reconnaissantes, a réveillé certains pays de l’Otan dont les Etats-Unis qui, sans protocole, ont pris la surprenante décision d’apporter désormais une aide substantielle aux pays en proie aux attaques jihadistes.

L’Amérique ne s’est même pas cachée pour annoncer à l’AFP qu’il était crucial que ces pays reçoivent un soutien occidental afin d’empêcher la fulgurante progression des militaires russes qui forment la société de sécurité privée russe Wagner.

C’est donc la crainte de voir la Russie s’implanter durablement en Afrique de l’Ouest qui fait sortir l’Amérique de sa cachette d’où personne ne pouvait la sortir, même pas les appels au secours des femmes et des enfants victimes des fous du jihadisme.

Et, comme si elle voulait rattraper absolument son retard, elle a engagé une véritable course contre la montre. Sur le plan diplomatique, on assiste à un ballet qui ne dit pas nom. L’Afrique que l’on ne voit qu’à travers ses matières premières, est devenue la destination privilégiée des hauts responsables américains.

 On a eu d’abord la secrétaire au Trésor Janet Yellen, puis l’ambassadrice des États-Unis à l’ONU Linda Thomas-Greenfield, ensuite la première dame Jill Biden suivie du secrétaire d’Etat américain Antony Blinken. Et dernièrement la vice-présidente Kamala Harris.

Sur le plan financier, militaire et humanitaire, une aide de 100 millions de dollars sera débloquée sur dix ans afin de soutenir le Togo, la Côte d’Ivoire et le Bénin dans la lutte contre les terroristes.

Comparé à l’aide que l’Ukraine a reçue des Etats-Unis en seulement une année, ce soutien financier porte bien les intentions américaines. C’est pourquoi, il faut être reconnaissant aux Russes et aux Africains décomplexés qui vont obliger l’Occident à regarder autrement le continent noir. Parce qu’il est maintenant bien parti.

Abdoulaye Villard Sanogo

Partarger cet article

En lecture en ce moment

Un camion chute dans le fleuve Comoé à Abradinou et fait six morts

Deuxième bébé