Il y a un peu plus de deux semaines que les Africains subsahariens vivent un véritable calvaire en Tunisie. Des propos tenus et des mesures prises par l'exécutif tunisien ont créé un sentiment anti-Noir-Africain. Désormais, ils sont la cible de forces de l'ordre et de Tunisiens qui adhèrent entièrement à la cause de leurs autorités. Parmi les victimes du «Tout sauf Africains Noirs», se trouvent des Ivoiriens. Depuis leur désormais ex-pays d'accueil, ils ont les yeux rivés vers leur patrie espérant une réaction énergique de leurs dirigeants. Malheureusement, depuis le début de cette crise en Tunisie, tout se passe en Côte d'Ivoire, du moins officiellement, comme si aucun Ivoirien n'est concerné.
Au ministère d'État, ministère des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et de la Diaspora, aucune déclaration officielle n'est faite pour condamner ce qui se passe en Tunisie. L'ambassadeur de ce pays à Abidjan continue sa mission tranquillement. Aucune interpellation, aucune convocation, aucune condamnation. «Nous constatons un silence de nos autorités», écrivait dans une note, l’Association des Ivoiriens en Tunisie (AIT). Qui note toutefois que l'ambassade de Côte d'Ivoire a lancé une opération d'inscription pour «tous ceux qui seraient intéressés pour un retour volontaire en Côte d'Ivoire». Cependant, l'AIT précise : « … Tous nos frères qui sont à l'intérieur du pays et qui tentent de joindre Tunis sont systématiquement arrêtés par la police et convoyés vers les prisons».
Par ailleurs, nous informent nos sources sur place, à la représentation diplomatique ivoirienne en Tunisie, malgré cette note prise par l'ambassade, aucune disposition pratique n'est prise sur place pour accueillir les ressortissants ivoiriens et permettre leur inscription sur une éventuelle liste. Devant cette situation, la communauté ivoirienne s'interroge : «Le gouvernement ivoirien aurait-il abandonné ses propres enfants ? ».
Pendant ce temps, Abidjan reste muet. Pourtant, non loin de nous, au Mali, le ministre des Affaires étrangères, SEM Abdoulaye Diop, a convoqué l'ambassadeur de la Tunisie au Mali, pour lui demander des explications suite aux vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux concernant le traitement des Noirs en Tunisie.
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Au Congo, à la suite d'une interpellation des autorités, l’ambassadeur de Tunisie, Bouzekri Rmili, a répondu : «Je ne comprends pas l’acharnement de certaines personnes sur les réseaux sociaux sur la Tunisie […] il y a un grand nombre d’immigrés en Tunisie qui sèment la terreur. Par exemple, une ville portuaire comme la ville de Sfax, qui est la capitale économique, il y a des gens qui sont au centre-ville avec des machettes, qui tuent, qui violent. Dernièrement, il y a même une dame qui a été violée, tuée devant ses enfants et vous voulez vraiment que le gouvernement tunisien ne réagisse pas, ne fasse rien ?». Même si ces explications ne sont pas convaincantes, au moins il y a eu un acte fort de nature à rassurer la communauté congolaise en Tunisie.
La Commission de l’Union africaine n'est pas restée en marge. Elle a condamné les propos dangereux tenus par le président tunisien.
Mais, en Côte d'Ivoire, la priorité semble être les activités pré-électorales. Des organisations de la société civile suggèrent une réaction d'Abidjan en vain. La dernière en date est celle de la structure Bénévole Municipale qui, dans une déclaration, a appelé «l'ambassadeur de la Tunisie à Abidjan à faire une déclaration publique afin de présenter la situation sur le terrain compte tenu des difficultés des Ivoiriens sur place» et a plaidé pour que le chef de l’Etat prenne des dispositions pour ramener au bord de la lagune Ebrié, pour ceux qui le désirent, les Ivoiriens encore en difficulté au pays des Aigles de Carthage.
Pendant ce temps, l'inaction des autorités ivoiriennes est inquiétante. Donnant l’impression que la situation de leurs ressortissants au pays d’Habib Bourguiba est leur dernier souci. Il est temps de réagir. Ça permettra aux Tunisiens d’avoir un peu d’égard pour la Côte d’Ivoire, mais également de rassurer les ressortissants ivoiriens encore sur place. Sinon, pour l’instant, le silence des autorités est assourdissant, gênant.
Modeste KONE