Rude bataille sur le boulevard du multipolarisme





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Ne croyez pas qu’ils ne savent pas, ne comprennent pas ou ne voient pas, comme leurs multiples réactions étonnantes le laissent transparaître. Les Occidentaux savent ce qu’ils font, où ils vont et pourquoi ils y vont. Ils savaient très bien qu’en poussant le chef d’Etat ukrainien à l’affrontement contre le géant voisin russe, il y aurait la guerre. Tout comme ils savaient parfaitement que la prise des sanctions économiques, commerciales, culturelles, sportives et politiques contre la Russie provoquerait un effet boomerang sur leurs populations.

C’est une question d’honneur. Il ne doit pas être dit que la grande Europe de l’Ouest, ses satellites et la grande Amérique se sont pliés devant le petit poussin slave. Ce serait la honte du siècle. Alors, on y va contre vents et marrées, qu’elles soient hautes ou basses. Pourvu que le monde des vivants retienne que l’Occident ne s’est pas laissé marcher dessus par un pleutre qui n’a rien d’un Occidental et, qui plus est, refuse de se fondre dans le moule unipolaire.

Or, c’est justement et précisément parce qu’elle n’en peut plus de vivre sous le diktat d’un monde à une seule tête que la Russie s’est, elle aussi, engagée à répondre militairement aux provocations de l’Occident par l’Ukraine interposée. C’est que depuis 1991, année de la décapitation de l’Union soviétique, seul le bloc de l’Ouest emmené par les Etats-Unis a pignon sur rue. Il impose tout et partout, d’abord sa vision de gendarme du monde puis la déclinaison de celle-ci sur tous les aspects de la vie humaine : des finances au sport en passant par la géographie, la sécurité, la défense, le commerce, la diplomatie, la culture, l’économie, l’environnement etc.

Dans cette marche à une seule jambe, aucun refus d’absorber les décrets pris par le gendarme n’est toléré et le contrevenant est sévèrement puni. Exactement comme on le voit avec la Russie sur laquelle pleuvent toutes sortes de sanctions, y compris celles, ubuesques, dont l’application est impossible comme l’interdiction d’importation de Russie du pétrole, du gaz, des céréales, pour ne citer que ces produits essentiels pour le gendarme lui-même. Du coup, comme des penseurs l’ont prédit dans le siècle dernier, cette démarche insolite ne peut que connaître des difficultés puisqu’elle comporte les germes de sa propre destruction.

Si hier, au moment de son expansion, peu de pays qui trouvaient inappropriée cette marche solitaire pouvaient la dénoncer et se retrouver aux prises avec les Etats-Unis notamment, aujourd’hui, dans ce siècle naissant, ils pullulent les pays et les hommes et femmes bien-pensants qui dressent régulièrement un réquisitoire contre cet hégémonisme inadapté aux nouveaux modèles de pensée et appellent à sa mort subite. Il n’y a qu’à voir ce que les Occidentaux appellent grossièrement «les provocations de la Corée du Nord» à travers des lancements de missiles balistiques pour comprendre que les temps ont véritablement changé.

La preuve. De nombreux pays du Sud qui subissent au quotidien l’intervention du gendarme dans les affaires internes de leur Etat frappent publiquement aux portes des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) afin d’intégrer ce mouvement de pays dits intermédiaires et vivre une nouvelle vie de liberté. Même les pays du Golf appelés pays du pétro-dollar cherchent à rompre le lien ombilical qui fait d’eux des obligés du dollar. En Amérique latine où il a pris pied depuis des siècles et où il fait et défait des hommes, des femmes et des pouvoirs, l’Occident est en train de vivre des jours difficiles et est sur le point d’y perdre pied. Comme les temps ont changé !

Il ne vous aura pas échappé que depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Afrique, naguère prompte à suivre aveuglément et à exécuter tout ce que décrète le grand gendarme, est en majorité dans sa coquille. Elle observe pour choisir opportunément. Mais on sait que, se trouvant dans le même camp que la Russie, le camp des malmenés, elle se réjouit ne serait-ce qu’à travers ses populations, de voir se construire sous ses yeux, un nouveau monde à plusieurs têtes : le monde multipolaire.

Ici, la marche se fait sur deux jambes. Elle est ou se veut équilibrée. Pas question de s’opposer à-tout-va à la nature des choses. Pas question de devenir les hérauts de la «renonciation à la division naturelle des sexes» comme le stigmatisent les Russes. Pas question d’obliger l’Afrique qui a un important retard dans ce domaine, à renoncer à recourir à l’énergie nucléaire pour son industrialisation et son électrification. En tout cas, pas question d’imposer quoi que ce soit à qui que ce soit. Ici, on marche sur des règles établies par tous et pour tous : des règles de la solidarité agissante.

Malheureusement, ce message on ne peut plus clair ne semble pas entendu par le grand gendarme. Il continue de menacer, il sanctionne et attise partout la guerre : Asie, Europe de l’Est, Amérique du Sud et naturellement en Afrique. Que faire et comment lui parler dans le creux de l’oreille ? Peut-être à travers le prochain sommet Afrique-Russie et ces propos du diplomate russe chargé de son organisation. Dans une tribune publiée récemment dans la presse du territoire africain, le fonctionnaire du ministère russe des Affaires étrangères n’y va pas avec le dos de la cuillère pour dire une vérité.

« Curieusement, tout participant des relations internationales qui n’accepte pas ces conceptions est automatiquement classé parmi les « autocrates » et les tentatives sont entreprises de l’isoler et l’affaiblir au maximum. Aujourd’hui nous voyons dans l’exemple de la Russie comment l’Occident essaie de priver d’autonomie les États souverains en recourant au système de punition collective, en violant les droits politiques et économiques fondamentaux et en appliquant des restrictions unilatérales illégitimes sévères », s’offusque Oleg Ozerov.

Les délicates oreilles ont enregistré. Il ne reste plus qu’à choisir entre la marche à un seul ou à deux pieds. Et, croyez-moi, le choix peut se faire les yeux fermés.

Abdoulaye Villard Sanogo

 

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