Bouteflika et le geste qui sauve





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Le lundi 11 mars 2019 constitue une date importante dans l’Histoire de l’Algérie. Dans un «message à la nation», le président Abdelaziz Bouteflika, cédant aux revendications des millions d’Algériens qui manifestent depuis le 22 février en criant « Système dégage ! », renonce à sa candidature pour un cinquième mandat. Au pouvoir depuis le 27 avril 1999, soit 20 ans à la tête de l’un des pays essentiels du nord de l’Afrique, et fortement affaibli par la maladie (il a été victime d’un accident vasculaire cérébral en avril 2013), Bouteflika a compris qu’il faut savoir s’arrêter avant qu’il ne soit trop tard.

Même si en vieux briscard de la politique et visiblement pris en otage par son entourage, il tente de récupérer avec la main gauche, ce qu’il a cédé de la main droite. Pour ce faire, il nomme un nouveau gouvernement, reporte sine die l’élection présidentielle prévue pour le 18 avril prochain. Dans la foulée, il annonce un référendum sur une nouvelle Constitution qui devrait être le fruit d’une grande conférence nationale d’ici à la fin de l’année.

 

Bouteflika réussira-t-il à partir sans partir ? Cette opération pourrait s’avérer pénible et périlleuse pour le vieil homme de 82 ans qui ne voudra pas vivre les affres d’un « printemps arabe » à l’algérienne. Après la bourrasque populaire qui a emporté les régimes Ben Ali en Tunisie et Hosni Moubarak en Egypte.

 

Au-delà de ce premier décryptage, la décision « courageuse » de Bouteflika de renoncer à un cinquième quinquennat entraine un second décryptage dont la teneur réside dans la cible élargie concernée par son message du 11 mars. Le « non » de Bouteflika parle à tous les politiques africains mais surtout à ces dirigeants du continent qui s’accrochent au pouvoir envers et contre tous. Contre l’alternance au pouvoir et même leur santé. Paul Biya, Ali Bongo Ondimba, Paul Kagamé, Idriss Déby, Theodoro Obiang N’Guema, Omar Al Béchir, Abdel Fattah  Al-Sissi, Beji Caïd Essebsi… la liste est non exhaustive. Tous sont au pouvoir depuis de nombreuses années, font peu cas de leur état de santé et ne songent pas à renoncer au fauteuil. D’autres chefs d’Etat, au nombre desquels Alassane Ouattara, Alpha Condé… nourrissent l’ambition d’un troisième mandat présidentiel en dépit des limites formelles imposées par les Constitutions, de leur âge avancé et des imprévus de santé auxquels ils peuvent s’exposer. Les manifestations de mécontentement populaire liées à l’école (en Côte d’Ivoire) ou à la cherté de vie (au Soudan) n’apparaissent pas aux yeux de ces chefs d’Etat comme des signaux avant coureurs du désir de changement auquel aspirent leurs concitoyens. Dont la très large majorité est jeune.

 

Bouteflika, lui, a compris la signification des cris de la rue. Il a compris que le train qu’il conduit depuis deux décennies est arrivé en gare. Et que les passagers ont besoin d’un nouveau conducteur qui les conduira avec plus d’assurance vers de nouveaux horizons.

Si donc Bouteflika a eu le courage de renoncer, il devrait faire le geste qui sauve. Celui de libérer complètement le peuple en se retirant ici et maintenant de la vie politique. Qu’il ne s’avise surtout pas de pousser le peuple à lui réserver le sort d’un Ben Ali ou d’un Moubarak. Ce sera bien pour lui et ce sera bien pour le peuple qu’il dit aimer.

Par Didier Dépry

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