Abidjan, la capitale ivoirienne a abrité du 5 au 12 mars dernier, la 12e édition du Marché des Arts du Spectacle d’Abidjan (MASA), sous le thème « Industries culturelles et créatives : le défi du contenu ».
Cette année, ce sont 98 groupes venus de 26 pays qui ont donné plus de 182 spectacles de cirque et marionnette, de conte, de danse, d’humour, de mode, de musique, de slam, de street art et de théâtre, au public ivoirien.
Ouvert par le Premier ministre Patrick Achi sous de bons auspices, avec notamment la prestation du groupe Magic System, cette édition, la première, sous la houlette de Patrick Hervé Yapi et son équipe, n’a pas tenu toutes ses promesses. Comme l’ont fait remarquer plusieurs participants qui sont repartis déçus.
La 12e édition du MASA, selon les observateurs, a souffert d’un manque de professionnalisme car de nombreuses failles ont été observées à tous les niveaux. De la gestion des ressources humaines à la programmation, en passant par la mobilisation du public, la communication, la restauration, la sécurité, etc.
« Les artistes qui sont convoqués pour la balance à partir de 14 heures, accusent un grand retard. Les concerts qui sont censés démarrer à 18 heures traînent que jusqu’à 20 heures passées. Tout cela, à cause des techniciens et régisseurs qui ne sont pas à la hauteur. Il faut parfois l’implication des ingénieurs de certains artistes invités pour débloquer des situations au niveau de la régie. Les artistes qui finissent de prester se retrouvent sans pitance. C’est la galère au niveau du système de restauration. On fait tourner les artistes entre le Palais de la culture et l’INJS », a dénoncé un manager à notre confrère de www.Sitanews.net.
Grand spectacle, petit public
Un festivalier français, visiblement choqué, a ajouté : « Ça été assez douloureux la journée d’hier (7 mars : NDLR). Un problème de communication est constaté. Nous et notre manager, nous mettons énormément de temps à avoir des informations aussi très basiques de la part des organisateurs. C’est incroyable ! Ayant autant d’expériences mais je n’ai jamais vu cette manière de travailler. En 20 ans, je n’ai jamais vécu une telle galère. Je fais des festivals dans le monde entier. Je suis à fond dans les festivals, mais je n’ai jamais vécu ça. Jamais ! Heureusement au final, on arrive toujours même dans les pires des galères, dans un massacre comme ce MASA, on arrive toujours à trouver des humains qui partagent nos problèmes et qui sont là pour nous aider. Je sais que ça ne vient pas d’en haut, ça vient du cœur et ça se passe comme ça. J’espère que ça va se rattraper ». Des complaintes similaires, il y en a eu à profusion sur tous les espaces que nous avons visités.
Un autre aspect qui a fait l’objet de critiques est l’affluence du public qui s’est avéré très faible. Plusieurs spectacles se sont déroulés dans des salles quasi-vides. Les artistes se sont produits pour la plupart devant les chaises vides. Aucune mobilisation, exceptée le jour d’ouverture officielle du festival. La population ivoirienne a carrément boudé le MASA. Une situation que certaines personnes ont mis sur le compte de la Covid 19 mais aussi de la cherté de la vie qui fait que les Ivoiriens sortent de moins en moins.
Rencontres B to Bé ... un cafouillage
Outre l’absence de mobilisation du public, d’importants problèmes techniques et logistiques ont été observés. Ce sont entre autres la coupure d’électricité dans la journée du 9 mars et l’annulation de tous les rendez-vous B to B entre les artistes et les professionnels.
« Nous voudrions donner aux artistes sélectionnés l’opportunité de connaître le profil de tous les professionnels présents au MASA. À cause du manqué de connexion des artistes venant d’autres pays qui n’ont pas eu accès à leurs agendas, la direction de l’événement a décidé de changer le format des réunions B to B. Par conséquent, nous tenons à vous informer que malheureusement les rendez-vous individuels avec les professionnels et les agendas des compagnies ont été annulés », a annoncé le comité d’organisation dans un communiqué, le mercredi 9 mars, en plein MASA.
En compensation, les jeudi 10 mars et le vendredi 11 mars, dans la matinée, chaque professionnel devait faire une présentation de 3 à 5 minutes de sa structure et de ses attentes à l’égard du MASA 2022. Ce qui permettra aux artistes de connaître le profil des programmateurs, administrateurs culturels et diffuseurs invités au MASA 2022. « Vous pourrez rencontrer les invités qui vous intéressent de manière informelle dans les différents espaces du Palais de la Culture tout au long de la semaine », a ajouté la note. Alors que dans les faits, de nombreux vols étaient programmés les vendredi 11 et samedi 12 mars 2022.
D’autres faits qui ont fait fâcher les festivaliers, c’est la galère imposée aux artistes pour récupérer leurs cachets et l’insécurité qui était défaillante à certains niveaux.
La faute au manque d'expérience
Toutes ces imperfections ont été créées, selon nos sources, par le fait que dès sa nomination, le nouveau directeur général du MASA a remplacé la quasi-totalité des équipes qui ont travaillé sur l’événement durant de nombreuses années par de nouveaux collaborateurs qui ne connaissaient rien en matière d’organisation.
« Ils ont pensé que le MASA était une petite machine qu’on pouvait faire tourner facilement. Au fil des jours, ils se sont vus dépassés par les événements. Ce fiasco est le résultat de la négligence avec laquelle la nouvelle équipe a conduit les choses. Patrick Hervé Yapi (le nouveau DG du MASA) et son équipe ont montré leurs limites. Ils conduisent cet événement avec une main d’amateur », a fait savoir un technicien révolté.
Lancé en 1993, le MASA est devenu au fil des éditions, l’un des plus grands rassemblements culturels de la sous-région ouest-africaine. Il rassemble A Abidjan, plusieurs milliers d’invités et professionnels de la culture (artistes, producteurs, bookeurs, managers, diffuseurs, journalistes, etc.) venus de tous les horizons. Il a pour objectifs, le soutien à la création et à la production de spectacles de qualité, la facilitation de la circulation des créateurs et leur production en Afrique et dans le monde, la formation des artistes et des opérateurs de la chaîne de production des spectacles, le développement du secteur des arts de la scène (musique, théâtre, danse) relevant du continent africain.
Solange ARALAMON