Dans son récent single ‘’Gouvernement 20 ans’’ le reggaeman Tiken Jah Fakoly a touché du doigt un mal qui compromet la stabilité. Il a à nouveau embouché la trompette de la critique. Très critiqué ces dernières années pour son silence devant certaines dérives autocratiques comme le 3e mandat illégal d’Alassane Ouattara, le reggaeman ivoirien vient de sortir un single qui le repositionne dans son rôle de voix du Peuple. Ce rôle qui a fait sa renommée et son succès artistique. ‘’Gouvernement 20 ans’’, c’est le titre de ce single diffusé le 7 janvier dernier.
Dans ce morceau de 4 minutes 22 secondes qui est un chef d’œuvre musical, le Descendant de Fakoly dénonce une pratique devenue courante en Afrique. Elle consiste pour des dirigeants de pousser leurs adversaires politiques hors du jeux politique en instrumentalisant l’appareil judiciaire. Ils mettent en mission des juges corrompus qui vont jusqu’à inventer des accusations contre l’opposant qui ose s’opposer que de se taire et d’applaudir pour ‘’manger’’ avec le pouvoir. Des simulacres de procès sont donc organisés contre lui avec des verdicts généralement connus d’avance. ‘’L’accusé’’ est condamné à une lourde peine afin qu’il reste en prison le plus longtemps possible. Aussi longtemps que le Président dictateur voudra conserver le pouvoir. Et, la peine qui est à la mode dans cette justice injuste, c’est 20 ans de prison ferme. En chantant ce fléau, l’artiste dit courageusement tout haut ce que tout le monde sait tout bas. Dans ‘’Gouvernement 20 ans’’, Tiken Jah Fakoly n’a nommé aucun pays. « Quelle que soit la géographie, en Afrique, c’est 20 ans », frédonne-t-il. Curieusement, en Côte d’Ivoire, les partisans d’Alassane Ouattara ont vu le mal dans cette belle production discographique. Estimant leur mentor visé par cette critique, ils ont été nombreux à réagir, notamment sur les médias sociaux, où ils traitent de tous les noms ce reggaeman qu’ils ont pourtant applaudi un an plus tôt lorsqu’il tentait de justifier le 3e mandat inconstitutionnel d’Alassane Ouattara. Aujourd’hui, le même Tiken Jah est qualifié de traitre, de renégat, d’ingrat… Pire, au lieu de démontrer que leur champion n’est pas à la tête d’un ‘’gouvernement 20 ans’’ils n’ont trouvé d’argument que de dire qu’un ‘’gouvernement 20 ans ‘’ est mieux qu’un gouvernement ‘’la mort’’ ou ‘’cimetière’’.
Comme ils en ont l’habitude, il compare la gestion du Président actuel à celle de son prédécesseur Laurent Gbagbo qu’ils accusent d’avoir tué ses opposants au lieu de les emprisonner. Indirectement, ils admettent donc que le pouvoir actuel est coupable de ce que dénonce l’artiste. C’est un aveu de taille. Et, c’est ce que nous retenons. Ainsi le gouvernement Rhdp est un ‘’gouvernement 20 ans’’, à l’image des peines de 20 ans distribués par la justice aux ordres à plusieurs opposants dont Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé, Akossi Benjo, Guillaume Soro. Concernant le dernier cité, la peine de 20 ans a semblé insuffisante. Il a été condamné à la prison à vie. Un verdict prédit par le chef de l’Etat lors d’une interview. Le drame dans cette pratique injustifiable, c’est qu’elle vise à exclure du jeu politique des acteurs qui, comme tout citoyen, ont le droit légitime de prétendre au pouvoir. Pourtant, en Côte d’Ivoire, la politique de l’exclusion a déjà eu des conséquences graves.
En l’occurrence, la tentative d’exclusion d’Alassane Ouattara de toute élection en Côte d’Ivoire par l’instrumentalisation de la justice, a provoqué deux guerres civiles. Celle qui a commencé le 19 septembre 2002 et qui s’est muée en une rébellion armée, et la guerre postélectorale née de l’annulation par le Conseil constitutionnel d’alors, des votes du Centre et du Nord au terme du 2e tour de l’élection présidentielle de 2010. Les dégâts humains et matériels ont été très graves. « La folie, c’est faire toujours la même chose et s’attendre à un résultat différent », met en garde Tiken Jah Fakoly.
Cissé Sindou