Le Président peut éviter une telle honte





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Les images d’Alpha Condé aux mains de soldats guinéens ayant circulé hier sur les médias sociaux, confirment à ceux qui le nient encore, qu’aucun dirigeant n’est assez fort pour être invincible.

Quelle que soit l’issue de l’opération entreprise hier par le colonel Mamady Doumbouya, le patron des Forces spéciales de l’armée guinéenne et ses hommes, elle représente déjà une grande humiliation pour le Président, ou peut-être, désormais ex-Président Alpha Condé. La mine renfrognée, une chemise ouverte, un pantalon jeans, il était tel un bandit de grand chemin mis aux arrêts. Un spectacle déshonorant que tout chef d’Etat devrait éviter en acceptant de quitter le pouvoir à temps quand ses mandats constitutionnels sont terminés, et surtout quand le peuple ne veut plus de lui.  

Ce coup de force intervient, en effet, au moment où Alpha Condé croyait totalement acquis son troisième mandat présidentiel controversé. Après ses deux mandats constitutionnels, au lieu de se retirer comme le prévoyait la loi de son pays, il a choisi de modifier la constitution, puis d’opérer un forcing pour se faire réélire. Toutes les protestations organisées contre ce troisième mandat ont été réprimées dans le sang, causant des milliers de morts.

Après son investiture le 15 décembre 2020, l’opinion s’est tue, mais tout le monde savait que le pays restait en crise. Tout le monde savait que son maintien se faisait contre le gré d’un grand nombre de guinéens, et que les blessures étaient grandes dans les esprits et les cœurs.

Pourtant, de nombreuses voix avaient interpelé le Président Condé en le mettant en garde contre les graves conséquences que pouvaient avoir son projet de 3e mandat. Le plus historique de ces appels reste celui de l’ancien président de la Cour constitutionnelle guinéenne.

« GARDEZ-VOUS DE SUCCOMBER A LA MELODIE DES SIRENES REVISIONNISTES »

« La conduite de la nation doit nous réunir autour de l’essentiel. Ne nous entourons pas d’extrémistes, ils sont nuisibles à l’unité nationale. Evitez toujours les dérapages vers les chemins en démocratie et en bonne gouvernance. Gardez-vous de succomber à la mélodie des sirènes révisionnistes. Car, si le peuple de Guinée vous a donné et renouvelé sa confiance, il demeure cependant légitimement vigilant », avait averti Kéléfa Sall en 2015 lors de l’investiture de Condé pour son 2e mandat. Le haut magistrat a fini par faire l’objet, le 12 septembre d’une destitution, à relents de règlement de compte.  

Le sort d’Alpha Condé rappelle celui du défunt président tchadien Idriss Déby mort pour un mandat de trop en avril 2021 alors qu’il s’apprêtait à être investi pour son 6e mandat contesté, suite à 30 ans de règne sur le Tchad.

 Le sort de Condé rappelle aussi ceux d’autres chefs d’Etat humiliés en voulant s’éterniser au pouvoir.

En 2012, Abdoulaye Wade, après s’être dédit comme l’a fait l’Ivoirien Ouattara sur son intention de briguer un troisième mandat suite à une réforme constitutionnelle, a fait mater dans le sang à Dakar, les contestations de sa candidature, avant d’être battu dans les urnes par Macky Sall.

Au Burkina Faso, Blaise Compaoré n’a pu se maintenir au pouvoir jusqu’au terme du processus de modification constitutionnel qui devait lui permettre de briguer un nouveau mandat en 2015 après 27 ans de règne. Le projet de référendum a tourné court. Le Président a été forcé à la démission le 31 octobre 2014 par un soulèvement populaire.

En 2019, l’ex-dirigeant algérien Abdelaziz Bouteflika, qui voulait briguer un cinquième mandat a lui aussi été poussé à la démission par une forte mobilisation populaire.

En Côte d’Ivoire, le forcing d’Alassane Ouattara pour un 3e mandat en 2020 a provoqué des morts, blessures et des rancœurs qui demeurent malgré le silence des Ivoiriens. Un dirigeant doit savoir partir.

Cissé Sindou

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