L’augmentation des prix des denrées alimentaires de première nécessité suscite des réactions au sein des populations, tant au niveau des commerçants que des consommateurs. Tous marquent leur désarroi face à une situation qui au lieu de s’améliorer, s’empire.
Samedi 19 juin, de passage au marché pour des courses, nous nous retrouvons devant des vendeuses qui ne savent plus à quel saint se vouer, tant les clients se font rares. "Depuis bientôt un mois, c’est grave. Les clients ne viennent pas au marché. Les quelques-uns qui viennent préfère acheter la tomate en pâte et les bouillons qui leur reviennent moins cher. Le kilo de tomate est monté à 1000f et tout le monde ne peut pas s’offrir ce luxe. Donc les gens font avec les moyens de bord", nous explique Adjaratou, vendeuse de tomates, oignons et d’épices au grand marché de Koumassi. Plusieurs autres vendeuses d’aubergines, de gombos, de pates d’arachide, de djoumgblé (poudre de gombo séché) ne disent pas autre chose. Elles abondent toutes dans le même sens. Avant cela, un tour à l’abattoir de Port-Bouët nous a situé sur ce que vivent les bouchers. "Depuis que le prix du kilo de viande a augmenté, nos clients sont portés disparus. Même les restauratrices qui constituaient notre plus grosse clientèle préfèrent acheter les boyaux plutôt que la viande fraîche", nous a expliqué Issiaka, un boucher.
Le mercredi 22 juin, nous mettons le cap sur le marché de Belleville à Treichville, réputé pour être un marché de vente de bons poissons fumés. Devant les étals, les vendeuses m’expliquent leurs difficultés à écouler leurs marchandises. "Les choses ne sont pas faciles pour nous. Avant, le mercredi qui est jour de marché, les clients affluaient. Mais depuis un moment, ils se font rares. Comme c’est notre travail, on ne peut pas laisser sinon comment nourrir nos enfants. Souvent, nous nous endettons auprès des grossistes pour prendre les poissons, les fumer pour les revendre. Mais nous vendons à perte car les quelques clients qui viennent, achètent au rabais. C’est vraiment difficile", explique Philomène, une vendeuse, avec un brin d’amertume dans la voix. Au marché d’Adjamé, c’est la même rengaine. Même si le marché, comme à son habitude grouille de monde, les commerçants et les vendeurs ne sont pas satisfaits de leurs courses. Chacun se plaint à son niveau de ce que la cherté de la vie ne leur permet pas d’atteindre leurs objectifs.
Les consommateurs ne disent pas le contraire des assertions des vendeurs. Pour eux, la cherté de la vie les oblige à adopter de nouvelles habitudes. "Je privilégie désormais le poulet à la viande de bœuf et au poisson qui sont devenus hors de prix. En plus du fait que pour des questions sanitaires, les médecins conseillent de consommer beaucoup de viande blanche, le prix est plus abordable pour ma famille. Aujourd’hui, c’est un luxe de manger du foutou, je me suis tournée donc vers le placali (purée de manioc cuite), le kabato (pate de mais) et le riz. En attendant que le prix de la banane descende un peu", nous a relaté Mme Coulibaly, rencontrée au grand marché de Port-Bouët.
Pour la plupart de personnes rencontrées, la situation devient de plus en plus intenable car ni les gouvernants, ni les associations de consommateurs ne semblent se préoccuper de la situation.
En attendant, ce sont les populations qui paient le lourd tribu de ces augmentations car elles ne peuvent pas rester dans la faim.
Solange ARALAMON