Présidentielle 2020 : Après le dépôt de sa candidature, Mamadou Koulibaly évoque les difficultés liées au parrainage





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Le professeur Mamadou Koulibaly a déposé lundi, ses dossiers de candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2020 à la Commission électorale indépendante (CEI).

Après le dépôt de son dossier, Mamadou Koulibaly a évoqué les difficultés qu’il a rencontré relativement au parrainage, qui "n’est pas prévu par la Constitution", selon lui.

Ci-dessous l’intégralité de son discours

"Ce dossier contient beaucoup d’histoires et beaucoup de problèmes. Ce serait bien que les Ivoiriens connaissent les histoires et les problèmes. 

Contrairement à toutes les dispositions de notre loi fondamentale, il a été instauré des nouveautés qui n’avaient pas le droit de l’être : le parrainage citoyen n’est pas du tout prévu par la constitution. Le code électoral a été modifié et le résultat, c’est que il a été demandé à tous les candidats d’aller trouver des citoyens en ville, dans le pays, pour leur demander de fournir leur signature, leur caution à des candidats qu’ils ne connaissent pas. Nous débarquons chez des citoyens de notre pays, et nous leur demandons de nous donner leurs cartes d’identité, de signer un papier pour nous, parce que nous voulons être président de la république.

Ça a été difficile, parce que, d’une part, les gens n’avaient pas de pièces d’identité pour la plupart, ou alors les pièces d’identité sont perdues, ou alors les numéros n’existent pas, ou alors les gens avaient peur de donner leurs pièces d’identité, craignant des représailles qui pourraient suivre. “Je ne vous connais pas, vous me demandez mon numéro de pièce d’identité, qu’est-ce que vous allez en faire; et si après on exploitait ça contre moi ?”  

Mais nous avons été quand même bien accueillis. Il a fallu prendre le temps d’expliquer. Ça, c’est l’une des difficultés, parce que contrairement à ce qui se fait dans notre pays quand il s’agit de la Cmu, le gouvernement prend les dispositions pour faire campagne, des affiches. A la radio, à la télévision, on explique aux gens qu’est-ce que c’est que la Cmu, pourquoi il faut aller à la Cmu… Quand il s’agit du recensement de la population, des programmes emplois-jeunes, même pour les funérailles, on fait de grandes campagnes d’information des populations.

Et puis là, pour une élection cruciale du premier magistrat de Côte d’Ivoire, avec la nouveauté du parrainage, il n’y a rien eu. L’État de Côte d’Ivoire n’a fait aucune campagne d’information aux citoyens de ce pays sur l’introduction de cette nouveauté, et il a donc fallu que ce soit nous qui, village après village, hameau après hameau, case après case, prenions le temps d’expliquer aux populations ce que c’est que le parrainage, pourquoi ça a été introduit, et qu’est-ce qu’on attend d’elles.

Ça, c’est une des grosses défaillances. Que les gens n’aient pas de carte d’identité, c’est une chose, mais que les citoyens ne sachent même pas pourquoi leur Etat leur demande quelque chose pour désigner celui qui va gérer l’État justement, ça c’est une catastrophe. C’est un déni de démocratie.

Mais on l’a fait quand même. On a découvert des populations apeurées. On devrait avoir honte que le peuple de Côte d’Ivoire ait peur, on devrait en avoir honte. Tous ceux qui peuvent dire que les habitants de Côte d’Ivoire, les opposants de Côte d’Ivoire, les citoyens de Côte d’Ivoire sont apeurés, s’ils sont des citoyens anonymes, on peut le leur pardonner. Mais n’importe quel responsable de l’État de Côte d’Ivoire qui dirait cela, devrait être honni. C’est le devoir de l’État de faire en sorte que les citoyens d’un pays n’aient pas peur, qu’ils soient opposants ou pas, qu’ils n’aient pas peur. Et aucun homme de l’État ne devrait être fier d’affirmer qu’une partie de sa population est peureuse.

Mais on a trouvé des gens apeurés, qui ne veulent pas donner d’informations, qui ont peur d’en donner, qui chuchotent, qui murmurent, mais nous avons quand même réussi !

Nous avons réussi malgré plusieurs personnes qui nous ont demandé de l’argent : «Pour avoir ma signature de parrainage, vous payez combien, vous nous donnez combien?» Parce que d’autres sont passés avant et ont négocié la signature à 2000 fcfa, 5000 fcfa…

Comment peut-on construire un système démocratique si ceux qui sont gouvernés sont corrompus par ceux qui aspirent à la gouvernance ? Payer la signature d’un citoyen pour avoir son parrainage, c’est de la corruption. Si vous corrompez ce citoyen, vous corrompez le système électoral et vous corrompez l’Etat.

On a découvert des gens qui nous ont donné de l’argent. Qui ont dit: “ah! c’est important ça, c’est très bien. Je vous donne ma signature, la signature de ma famille, et puis d’ailleurs prenez du carburant pour aller dans les villages lointains là-bas qui sont très peuplés. “

De façon inespérée, nous avons eu des soutiens, et je tiens à remercier, à féliciter tous ceux qui nous ont accueillis de cette manière. Je ne condamne pas ceux qui demandent de l’argent, la corruption étant dans la moelle de l’Etat de Côte d’Ivoire. Mais ceux qui nous ont accueillis chaleureusement, qui nous ont encouragés, qui nous ont adoubés, qui nous ont accompagnés, je leur dis merci.

Merci à tous ces citoyens. Nous avons bouclé l’objectif dans 22 régions et districts, mais nous avons eu des signatures partout. Là où nous avons confortablement dépassé les 1%, nous les avons présentés à la commission électorale. Ce qui nous amène à un total, quand ils ont testé la clé usb, de 35.000-36.000 signatures environ.

Plusieurs personnes disaient que Koulibaly ne les obtiendrait jamais, mais je suis allé dans les villages, je suis allé voir les gens. Je leur ai expliqué quel était l’esprit de ma candidature.

Ils me connaissaient. Mais quand je leur ai dit, “vous les paysans, si vous me parrainez, je suis celui qui va vous permettre d’être les propriétaires de vos terres. Il n’est pas normal que vous soyez ici à dire que vous avez des champs, et que vous n’ayez aucun papier pour vos champs. Même vos concessions, vos cours que vous avez là, il n’y a aucun papier. Mamadou Koulibaly va vous donner ces papiers”, alors vous imaginez le monde paysan, stressé par l’anacarde qui ne s’achète pas, stressé par les récoltes agricoles qui sont abandonnées, stressé par les prix du cacao qui sont fixés mais non respectés, stressé par le travail agricole qui se fait encore avec des machettes alors que les revenus qui sortent de là ne permettent pas à ceux qui vont au champ d’élever leurs enfants correctement, d’accéder à la santé correctement… Ce discours a eu un accueil hyper favorable, et c’est ce qui nous a permis d’avoir les signatures. Nous n’avons payé personne ! 

Nous avons rencontré des routes escarpées, des populations dans des zones difficiles, Danané, Erymacoudjé, du Folon à la frontière du Mali, toutes avec les mêmes difficultés : “ Qu’est-ce que notre État a fait pour nous oublier ici ?” Mais ces populations gardent quand même espoir. Partout, tout le monde nous a dit : “vous les gens qui faites la politique là, arrangez-vous pour que tous ceux qui veulent être candidats puissent être candidats, arrangez-vous pour qu’il n’y ait pas de palabres, de guerre, arrangez-vous parce qu’on est fatigué des violences.

Je termine en disant que cette expérience de parrainage, bien qu’elle soit totalement illégale, a permis à mes amis et moi, surtout aux jeunes qui se lancent dans la politique – vous voyez il n’y a pas d’anciens ministres parmi eux, il n’y a pas d’anciens députés, il n’y a pas d’anciens DG – mais ce sont des jeunes ivoiriens, des femmes ivoiriennes qui ont décidé que les choses doivent changer dans ce pays, qui ont décidé que nous pouvons gérer notre pays avec un autre esprit, qui ont décidé de ne pas se taper dessus pour vivre ensemble, qui ont décidé de s’émanciper des questions ethniques, tribales, religieuses ou régionales, qui ont décidé de prendre leur destin en main et de ne plus être seulement les spectateurs de leur propre histoire, une histoire où ils voient les héros, les acteurs dedans et puis eux, ils suivent ça comme au cinéma, de façon passive. Ils ont décidé que cela change.

Nous sommes de nombreux candidats. Chacun, dans les semaines à venir, vous tiendra son discours. Nous sommes nombreux à vous dire que l’on aime la Côte d’Ivoire. Tout le monde vous dira ça. Mais sachez que ça veut dire plusieurs choses.

On peut aimer la Côte d’Ivoire comme on aime un plat de couscous, un plat de foutou, d’agouti, de djoumblé, de riz gras, de spaghettis; on aime la Côte d’Ivoire pour manger, pour se remplir le ventre. C’est l’amour, mais c’est un amour qui s’adresse uniquement au ventre. Nous sommes nombreux à aimer la Côte d’Ivoire, mais il y a ceux qui l’aiment uniquement parce que ça leur donne à manger.

Puis il y a toujours le même mot, aimer, qui a une autre signification.

On aime la Côte d’Ivoire comme on aime sa femme, son enfant, son mari, comme on aime son chéri ou sa chérie, comme on aime sa famille, on lui donne le meilleur qu’on a, on va chercher les bonnes choses pour lui apporter, on lui fait des cadeaux, on lui offre des fleurs… Et cet amour-là est représenté, non pas par des fourchettes, des cuillères et des nappes autour du cou, mais par le cœur. C’est de cet amour dont nous, nous parlons. Pour ma campagne, le logo c’est un cœur avec le M et le K, pour l’amour de la Côte d’Ivoire, mais l’amour du cœur, pas l’amour du ventre.

C’est pour cela qu’avec mes amis, on a décidé de mettre ma candidature sous le label “indépendant“. Ils sont tous LIDER et ils m’ont dit: “Il faut faire passer ce discours pour l’amour de la Côte d’Ivoire au-dessus des partis. LIDER va grandir, LIDER continuera, vous êtes le candidat de LIDER, mais allez-y en indépendant, avec ce logo, le cœur bleu dans un fond jaune d’espoir, pour l’amour de la Côte d’Ivoire.

Je vous remercie".

Mamadou Koulibaly

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