Elle est polluée et impuissante





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Elle est bipolaire. De toutes les épithètes que l’on pourrait trouver dans un dictionnaire, c’est probablement celle qui campe le mieux son état actuel. Et, c’est sans doute aussi en raison de ce défaut quasi-congénital qu’il serait vain de compter sur elle pour servir d’adjuvant à la démocratisation de la société ivoirienne.

 Elle, c’est la presse nationale dont le public attendait des informations mais qui s’est révélée, au fil du temps, n’être qu’un instrument de propagande aux mains de certains spoliticiens.

Pour le dire avec assurance, il faut se souvenir de l’effervescence du printemps de la presse ivoirienne, entre 1990 et 1995. En effet, en 1990, le retour au multipartisme a permis le pluralisme d’expression. Le monopole de l’information écrite, jadis détenu par le groupe de presse gouvernemental Fraternité Matin (Ivoir Soir, Fraternité Hebdo, Ivoire Dimanche), a volé en éclats. Cinq ans plus tard, au moins 150 titres paraissant ou moins régulièrement ont été recensés sur le marché ivoirien.

Dans cette floraison, Le Nouvel Horizon (puis La Voie), Liberté, Téré…, quoiqu’étant pour la plupart des hebdomadaires, ont tenu la dragée haute à son homologue soutenu par le financement public. En témoigne, l’épopée de grandes plumes comme celles d’un Raphaël Lakpé ou d’un Diégou Bailly rivalisant avec un Sy Savané ou encore un Jean-Pierre Ayé. Des journalistes de haut vol qui mettaient un point d’honneur à rechercher, traiter et livrer l’information juste. A la grande joie des lecteurs qui se ruaient quasiment sur les journaux de leur choix. Ça, c’était avant 1995.

Mais, le printemps de la presse d’information a fait long feu. Non seulement le bipolarisme est toujours patent mais aussi, dans leur grande majorité, les journaux ivoiriens (soi-disant d’informations générales) sont en fait des bulletins de partis politiques qui ne portent pas leur nom. L’usage du sensationnalisme, de la rumeur, de la diffamation et même du chantage est monnaie courante. Si bien qu’à mesure que les tensions politiques s’accentuent, les règles de bienséance sont violemment bafouées et les appels à la haine sont nombreux en même temps qu’ils sont entretenus dans le temps.

Aujourd’hui, sur la myriade de titres nés durant le printemps de la presse, il ne reste qu’une petite poignée qui, du reste, végète au creux de la vague. Pourtant, au cours de l’exercice 94/95, la presse écrite représentait un marché florissant avec un chiffre d'affaires global de 6,8 milliards de francs CFA. Alors même s’il est vrai que les réseaux sociaux lui ont flanqué une belle estocade, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle semble avoir été abandonnée par des lecteurs lassés d’être nourris à la sève propagandiste des partis politiques. Résultat, la tendance est à s’en remettre à la presse internationale pour assouvir soif d’informations et d’analyses objectives. Curieusement, les politiciens ivoiriens qui ont eux-mêmes contribué à décrédibiliser la presse nationale, sont les premiers à se tourner vers cette presse étrangère. 

Comme on le voit, la tare qui afflige la presse écrite nationale semble incurable. Cela se vit au quotidien. Les parkings – qui rapetissent à vue d’œil -- sont toujours partagés et en dépit des efforts de professionnalisation des rédactions, les quotidiens nationaux recrutent leurs rares lecteurs parmi les militants et sympathisants des partis politiques.

Une presse pareille peut-elle jouer le rôle social qui lui est dévolu ? Il est permis d’en douter. Cependant, sans doute pour renverser la vapeur, les journalistes nationaux ont mis en place un grand nombre de syndicats et d’associations professionnelles. Mais, même si cela traduit un dynamisme certain du paysage médiatique ivoirien, il reste que cette multitude de syndicats et d’associations émiette les efforts. Et tant que la profession demeurera sous la férule des politiciens, ce sera le « mythe de Sisyphe » dans la presse nationale.

Par Bamba Franck Mamadou

 

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